Un procès sur le fil du rasoir
Des agents de sécurité contestent leur licenciement lié à la longueur de leur barbe
Peut-on être licencié parce que l’on porte une barbe jugée trop longue ? La question prête à sourire, elle occupera pourtant les débats du conseil des prud’hommes de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, ce jeudi après-midi. L’affaire démarre moins d’une semaine après les attentats du 13-Novembre.
L’entreprise de sécurité Securitas convoque une quinzaine d’agents de l’aéroport d’Orly pour leur demander de raccourcir leur barbe. Certains se plient à cette demande, quatre agents, âgés d’une trentaine d’années, refusent. « Leurs barbes n’ont pas poussé du jour au lendemain. Cela faisait des années qu’ils les portaient et, tout à coup, cela devient problématique », s’emporte leur avocat Me Eric Moutet, qui dénonce les « amalgames » et « la paranoïa » de certaines entreprises après les attaques de Paris. Ses clients, en poste depuis une dizaine d’années, « n’avaient jamais essuyé la moindre réflexion liée à leur barbe jusqu’à cet épisode ». Chargés de contrôler les écrans au passage des bagages ou de fouiller les passagers, tous bénéficiaient d’un double agrément délivré par le préfet et par le procureur pour travailler en « zone réservée ». Une semaine après avoir refusé de tailler leur barbe, les quatre salariés sont pourtant mis à pied. Les lettres de licenciement tombent quelques mois plus tard, entre janvier et avril 2016.
Discrimination religieuse ?
Les anciens agents de sécurité, qui n’avaient jamais fait mystère de leur foi musulmane, voient dans cette décision une discrimination liée à leur pratique religieuse. Ce que réfute Securitas. A ses yeux, les employés n’ont pas respecté le « code référentiel » de l’entreprise, autrement dit le règlement intérieur. Le texte stipule en effet que « le visage doit être rasé de près ; les boucs, les moustaches et les barbes doivent être courts, taillés, soignés et entretenus ». Lors d’une audience en référé, finalement renvoyée sur le fond, l’avocat de l’entreprise avait par ailleurs assuré que les salariés eux-mêmes avaient fait le lien entre barbe et religion, refusant de se raser « parce que cela portait atteinte à leur liberté religieuse ».
A partir de quelle longueur une barbe est-elle acceptable ? Peut-elle être considérée comme un signe religieux ? En mars, la Cour de justice européenne a estimé qu’une entreprise pouvait interdire le port de tout signe religieux dans son règlement intérieur. A condition de ne pas viser une religion en particulier.
C’est sur ce point que devraient se focaliser les débats.