« Je voulais qu’il tourne les talons »
Près d’un an et demi après les faits, « les cris des manifestants » résonnent encore dans la tête de Kevin Philippy. Le 18 mai 2016, cet adjoint de sécurité rentre d’une séance d’entraînement au tir lorsque son véhicule est pris à partie par des manifestants d’extrême gauche, sur le quai de Valmy (Paris 10e). Les images du véhicule en flammes et de l’agent esquivant les coups ont fait le tour du monde. « J’ai cru mourir », résume d’une voix calme le policier, costume sombre et cravate rouge, à la barre de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. « Je me souviens encore des cris “dégage, sale flic”. Un peu comme d’habitude… », confie-t-il, las. En quelques secondes, les vitres du véhicule sont brisées par des projectiles, il essuie coups de pied et de poing, puis un fumigène enflamme l’habitacle. A peine a-t-il posé un pied à terre qu’un manifestant lui assène des coups avec une barre de fer. « Il essayait d’atteindre ma tête pour me mettre au sol et m’achever », assure-t-il. « Pourquoi s’approcher de ce manifestant? », l’interroge le président. « Plus on se rapproche, moins les coups sont forts. » A-t-il pensé à sortir son arme ? « Pour ne pas risquer de me la faire piquer, j’ai préféré ne pas la sortir. »
Un réflexe de défense
L’homme à la barre de fer, c’est Nicolas F., 41 ans. Sagement vêtu d’une chemise blanche et d’un pull noir col en V, cet ingénieur autodidacte ne cherche pas à nier les faits. « J’étais en colère » après un énième « gazage » [lacrymogène], explique-t-il. Le prévenu se défend d’être un militant de longue date. Son engagement, assure-t-il, remonte alors à trois semaines. « Je suis allé en manif par hasard pour faire marcher ma mère qui sortait de l’hôpital après un AVC. » Ulcéré par des scènes de violences policières auxquelles il aurait assisté, il se « radicalise », adopte « l’uniforme » du cortège de tête, s’habille en noir, achète un masque à gaz… Lui, le petit-fils d’officier militaire et ancien scout, se dit « profondément attaché aux institutions de la République ». Comment, alors, expliquer cet accès de violence? Il évoque un réflexe « pavlovien » de défense : « J’ai peur, il est armé. Je veux juste qu’il tourne les talons », se justifie-t-il. « J’ai oublié que, derrière l’uniforme, il y a un homme », lance-t-il à l’adresse de Kevin Philippy, avant de retourner s’asseoir. Le policier l’écoute, stoïque. Comme lors de leur « rencontre » qui les a menés dans cette salle.