Une Palme contre les règles de l’art
Cette comédie grinçante s’attaque au conformisme du milieu de l’art contemporain
Il en rêvait, il l’a eue. Ruben Östlund, qui confiait à 20 Minutes avoir écrit The Square pour que le film soit montré à Cannes, a tellement bien réussi son coup que le jury de Pedro Almodóvar lui a décerné la Palme d’or. Et il est en si content qu’il promène son trophée comme un gamin le ferait avec un nouveau jouet. Le cinéaste suédois se moque joyeusement du milieu de l’art dans cette comédie grinçante dont le personnage principal est un conservateur de musée d’art contemporain (Claes Bang, une découverte) peinant à concilier ses idéaux altruistes et son comportement égocentrique. « J’aurais pu situer l’action dans le milieu du cinéma, reconnaît Ruben Östlund, mais celui des musées est encore plus absurde. » Le réalisateur a testé le Square, l’installation éponyme du film, dans un musée suédois avant d’écrire son scénario. Ce « Carré » dessiné sur une place de la ville de Värnamo offre à tout le monde les mêmes droits et les mêmes obligations, avant de faire voler ces belles valeurs en éclats. « La forme carrée représente notre société et les obligations auxquelles nous devons nous plier », explique Ruben Östlund qui, pour les besoins de son script, a parcouru de nombreuses expositions à travers le monde. « Découvrir que les gens pouvaient s’extasier devant un simple clou planté sur un mur m’a mis en joie », avoue-t-il. On glousse de bon coeur Le cinéaste n’est pas tendre dans sa charge, notamment quand il partage les méthodes de marketing des spécialistes engagés par le musée où travaille son héros. « Ils cherchent à choquer à tout prix sans se rendre compte qu’ils vont trop loin. » D’une vidéo atroce mettant en scène une gamine aux grands yeux à un happening ahurissant dans un dîner de gala, les amateurs d’art ne sont pas ménagés. « Certains font semblant d’éprouver un plaisir masochiste, de peur de ne pas être à la page ! » dit en riant Ruben Östlund. On glousse de bon coeur avec lui quand une oeuvre passe accidentellement à l’aspirateur avant d’être recréée par le héros sans que personne ne voie de différence avec l’originale. « Je suis resté en dessous de la réalité, sinon on ne m’aurait pas cru », s’esclaffe le réalisateur. Il pousse l’humour jusqu’à rire de la Palme dont il est si fier avec un panneau ironique : « Ceci n’est pas une Palme », parodiant le peintre René Magritte en un pied de nez digne de son film.