« Il y a une omerta sur le harcèlement dans le sport »
La présidente du Comité éthique et sport se confie
Derrière la moue de l’ex-gymnaste McKayla Maroney se cachaient ces « choses inutiles et dégoûtantes », cette nuit « horrible »… La sportive américaine est la seule à s’être exprimée sur les agressions dont elle a été victime, depuis le début du scandale Weinstein. Pourtant, une enquête, coordonnée par le docteur en psychologie Anthony Mette en France, estime que le taux d’exposition général des athlètes aux violences sexuelles en milieu sportif est de 11,2 %, contre 6,6 % hors sphère sportive. Une tendance confirmée par la présidente du Comité éthique et sport, Véronique Lebar. Depuis le début de l’affaire Weinstein, on se rend compte que rien ne sort dans le sport… Ça ne se dit pas. Parce qu’il me semble que, dans le sport, il y a une omerta plus importante qu’ailleurs. Je viens juste de recevoir un mail qui m’a horrifiée, d’une jeune fille qui a été violée régulièrement, à l’âge de 15 ans, par son entraîneur. Elle est partie en Australie pour le fuir. Elle a 30 ans, et c’est la première fois qu’elle parle. Elle ne savait pas vers qui se tourner. Quel regard ont les sportives et sportifs victimes sur le passage à la prise de parole ? Les sportifs ressentent cette omerta. Ils se disent qu’il ne faut pas parler. Je pense que, quand ils sont toujours dans le milieu du sport, ils ont peur des retombées. Le discours des fédérations est qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur celles-ci. Donc les propos des athlètes vont être systématiquement étouffés, transformés. Sans parler de leur carrière sportive, qui va être bloquée. On pourrait croire que les sportifs profiteraient de leur aura pour sortir de leur silence… C’est tout le contraire. Même si ces sportifs sont connus, et je dirais même parce qu’ils sont connus, ils savent que la pression du monde sportif va être encore plus forte et violente contre eux, parce que leurs déclarations vont directement incriminer le monde du sport. En face, toutes les forces seront déployées pour faire taire ces victimes. Les sportives et sportifs ont-ils toujours conscience d’être victimes d’abus, d’agressions ou de harcèlements sexuels ? Il y a des rapports qui ont été établis à ce sujet, où, à la question « Est-ce que vous avez déjà subi des attouchements ? », 10 % des sportifs répondent : « Je ne sais pas. » C’est énorme. Soit ils ne veulent pas se poser la question, soit cela a à voir avec la proximité des corps, comme à la gym. Il n’y a pas assez d’interlocuteurs dans le milieu pour que les sportifs puissent parler.