20 Minutes (Paris)

« Bien sûr que c’est un échec »

L’ex-patron du renseignem­ent intérieur a reconnu que ses services ont failli en 2012

- Hélène Sergent

Il a failli ne pas se présenter. Finalement, « le squale » s’est montré. Jeudi, la cour d’assises spéciale de Paris chargée de juger pour complicité d’assassinat­s Abdelkader Merah, frère de l’auteur des tueries de Montauban et Toulouse, a entendu l’ex-patron de la Direction centrale du renseignem­ent intérieur (DCRI) Bernard Squarcini. Placé sous le statut de témoin assisté dans une procédure lancée par la famille Chennouf, l’une des victimes de Mohamed Merah, l’ancien homme fort de la sarkozie avait fait valoir qu’il souhaitait réserver ses déclaratio­ns au juge chargé de cette enquête, avant de se raviser. Le sexagénair­e a répondu aux questions sur les éventuels « loupés » des services qu’il dirigeait en 2012, mis en lumière auparavant par le chef de la division toulousain­e. « Bien sûr que c’est un échec, et à tous les niveaux. On en a tiré les conséquenc­es », a reconnu Bernard Squarcini. Longtemps, l’homme a usé de l’expression « loup solitaire » pour évoquer le profil du tueur au scooter. « Dévoyée et détournée par les médias et les politiques », dénonce-t-il aujourd’hui. L’analyse qu’il a défendue face à la cour va désormais dans le sens de l’accusation : l’auteur des tueries aurait bénéficié de soutiens. De son frère Abdelkader, des frères Clain… Un profil atypique Fiché S depuis 2006, Mohamed Merah passe entre les mailles du filet lorsqu’il se rend en 2011 au Pakistan pour se former au maniement des armes. Selon Bernard Squarcini, le comporteme­nt et le « modus operandi » du djihadiste ne « correspond­ent en rien » à ce qu’ont l’habitude de traiter ses services. A deux reprises cette même année, une demande de « judiciaris­ation » à l’égard de Merah est formulée. « Vous étiez au courant? » interroge l’un des avocats des parties civiles. « Non, je l’ai appris bien plus tard », admet le témoin. A la mort des militaires, le parquet local et la police judiciaire s’orientent dans un premier temps vers la piste de l’extrême droite. Là encore, le chef des renseignem­ents à Toulouse a avoué l’existence d’une note rédigée après Montauban. Sur ce document, « 12 ou 13 noms » de suspects sont inscrits, dont celui de Mohamed Merah. « C’est moi qui ai demandé une liste avec cinq objectifs d’extrême droite et cinq islamistes radicaux, confirme le témoin. Je dis aussi à Toulouse d’aller voir le parquet de Montauban pour nous laisser accéder à la procédure judiciaire, ce qui nous est refusé. Puis, le 16 mars au soir, je demande à relocalise­r Mohamed Merah. » Trop tard. Trois jours après, quatre personnes meurent devant le l’école juive Ozar-Hatorah de Toulouse.

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Bernard Squarcini a fini par livrer son témoignage à la cour d’assises, jeudi.

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