« Nous devons pouvoir raconter nos histoires et nos sexualités dans le porno »
La réalisatrice de films indépendants prône un regard féminin
Elle est l’une des rares réalisatrices et productrices de cinéma porno indépendant et féministe. D’origine suédoise, Erika Lust tourne depuis une décennie des films X à Barcelone (Espagne) avec sa boîte de production. Pour 20 Minutes, la réalisatrice évoque la spécificité de son cinéma aux marges.
A l’occasion de la Journée contre les violences faites aux femmes, Emmanuel Macron a accusé le porno de « faire de la femme un objet d’humiliation ». Etes-vous d’accord ?
Cela dépend de quel porno il parle. Le cinéma pornographique est un média, qui montre un acte sexuel. Cela peut être fait de millions de manières différentes. C’est donc problématique de dire que le porno chosifie la femme. C’est le cas d’une certaine production, nulle et merdique. Du très bon porno existe aussi, comme celui que je fais ! [Rires.]
Quelle a été l’influence d’Internet sur l’industrie ?
Le porno est aujourd’hui essentiellement construit autour des mots-clés, une compartimentation et une « fétichisation » des goûts et des gens. Tout le monde est mis dans une catégorie et, donc, déshumanisé. Je m’intéresse moins aux positions farfelues qu’à la façon dont chacun vit sa sexualité. Cela devrait être le but de tout bon film porno.
Comment définiriez-vous votre travail ?
On pourrait parler d’un regard féminin. Mais j’aime aussi définir mes films comme du cinéma indépendant pour adultes, car je les finance de manière indépendante. Seule certitude, nous sommes plusieurs à vouloir représenter le sexe autrement. Et il s’agit souvent de femmes frustrées par la masculinité du porno mainstream, où les hommes ont tous les pouvoirs.
Vous tournez parfois avec des acteurs et actrices mainstream. Que vous disent-ils ?
Qu’ils préfèrent tourner avec moi, car il y a un plus grand respect. Certains sont même fiers. Nous devons pouvoir raconter nos histoires, nos sexualités, et cela implique plus de diversité de couleur, d’âge, de physique à l’écran ainsi que de meilleures conditions en coulisses.
Avec le projet XConfessions, vous donnez vie aux histoires que vous envoie le public…
Après mon premier film, les gens ont commencé à me proposer des idées, et ils ont une sacrée imagination. XConfessions, c’est plus d’une centaine d’histoires et de vidéos, d’une parodie de « Mad Men » en passant par « I Fucking Love Ikea »! [Rires.] Oui, une femme m’a raconté que rien ne l’excitait plus que de voir son mec monter des meubles Ikea. On en a fait un film.