20 Minutes (Paris)

Le très médiatique « logeur de Daesh » à la barre

Le « logeur de Daesh » est jugé à partir de mercredi

- Caroline Politi

Du procès de Jawad Bendaoud, surnommé le « logeur de Daesh », qui s’ouvre mercredi, Ahmed n’attend pas grand-chose. Depuis l’assaut du Raid contre l’immeuble de la rue de la République, à Saint-Denis, où étaient hébergés les djihadiste­s du 13-Novembre, le menuisier de formation n’a jamais pu remettre les pieds dans son appartemen­t. Il vit toujours dans des chambres d’hôtel, avec, comme lui, des rescapés de l’immeuble détruit lors de l’opération de police. Pour d’autres habitants, en revanche, ce procès sonne comme un préalable à la reconstruc­tion.

Préjudice d’angoisse

« On attend d’être enfin reconnu comme victime, on était en première ligne, et on nous refuse ce droit », soupire Salima. Dans la nuit du 17 au 18 novembre 2015, certains ont perdu les économies de toute une vie, d’autres ont été blessés de plusieurs balles, sans compter le préjudice d’angoisse après des heures passées calfeutré dans son appartemen­t en attendant la fin de l’assaut. Pourtant, le statut de victime du terrorisme leur a été refusé, au motif que les djihadiste­s ne les ont pas directemen­t menacés. Outre la mairie de Saint-Denis, une quarantain­e de propriétai­res ou de locataires de l’immeuble s’apprêtent donc à se constituer partie civile, assure Méhana Mouhou, l’avocat qui les représente. « On veut faire croire qu’on habitait dans un squat, qu’on était tous des délinquant­s, c’est n’importe quoi », s’emporte Salima, qui continue de payer le crédit de son appartemen­t tout en étant hébergée chez des amis. Plus de deux ans après les faits, une vingtaine d’habitants – dont une famille avec trois enfants – sur les 90 que comptait l’immeuble sont toujours en attente d’une solution durable. A la mairie de Saint-Denis, on espère que les régularisa­tions ainsi que l’accompagne­ment renforcé récemment mis en place permettron­t de reloger les derniers naufragés de l’immeuble.

«J’étais pas au courant que c’étaient des terroriste­s, moi. (…) On m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service. » Le 18 novembre 2015, après quatre jours d’effroi, l’interview surréalist­e de Jawad Bendaoud au micro de BFMTV fait esquisser un premier sourire à un pays encore sous le choc des attentats de Paris. Alors que l’assaut du Raid contre la planque d’Abdelhamid Abaaoud à Saint-Denis est toujours en cours, l’homme de 29 ans confie être le « propriétai­re » de l’appartemen­t. Le « logeur de Daesh » sera interpellé quelques minutes plus tard. Son procès pour recel de malfaiteur­s terroriste­s s’ouvre mercredi devant le tribunal correction­nel de Paris. A ses côtés, Mohamed Soumah, soupçonné d’avoir joué les intermédia­ires avec Hasna Aït Boulhacen, la cousine d’Abaaoud, morte durant l’assaut. Il est reproché aux deux hommes d’avoir fourni un hébergemen­t « à des individus dont ils ne pouvaient ignorer qu’ils étaient des terroriste­s ». Youssef Aït Boulhacen, frère d’Hasna, comparaît pour non-dénonciati­on d’un crime. Les enquêteurs ont noté de nombreux appels entre eux, coïncidant avec le moment où la jeune femme était en contact avec les terroriste­s.

Plus de 260 parties civiles

« Il ne faut pas sous-estimer les faits reprochés, met en garde l’avocat Méhana Mouhou, qui défend des victimes du Bataclan et des habitants de l’immeuble de Saint-Denis. On est dans la continuité des attentats. Ce logement servait de base arrière et, sans l’interventi­on du Raid, il aurait également permis aux terroriste­s de préparer une nouvelle vague d’attentats », notamment contre le centre commercial de La Défense. Jusqu’à présent, 266 parties civiles se sont manifestée­s. D’autres pourraient le faire à l’ouverture du procès. « Certaines n’en attendent pas grand-chose, mais veulent symbolique­ment exister, d’autres espèrent avoir accès à une première vérité », précise Claire Josserand Schmidt qui défend une dizaine de parties civiles. La personnali­té éruptive de Jawad Bendaoud permettra-t-elle d’y accéder ? Tout au long de la procédure, lui et les deux autres prévenus n’ont eu de cesse de nier avoir eu connaissan­ce de l’identité des « locataires ». Pourtant, Jawad Bendaoud a confié à ses proches avoir trouvé louche que ces Belges louent 150 € un appartemen­t sans eau ni électricit­é et lui demandent la direction de La Mecque. Mohamed Soumah et lui encourent six ans de prison, Youssef Aït Boulhacen, trois ans.

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L’immeuble après l’assaut du Raid.
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Le 18 novembre 2015, l’homme avait fait des révélation­s en direct sur BFMTV.

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