Le très médiatique « logeur de Daesh » à la barre
Le « logeur de Daesh » est jugé à partir de mercredi
Du procès de Jawad Bendaoud, surnommé le « logeur de Daesh », qui s’ouvre mercredi, Ahmed n’attend pas grand-chose. Depuis l’assaut du Raid contre l’immeuble de la rue de la République, à Saint-Denis, où étaient hébergés les djihadistes du 13-Novembre, le menuisier de formation n’a jamais pu remettre les pieds dans son appartement. Il vit toujours dans des chambres d’hôtel, avec, comme lui, des rescapés de l’immeuble détruit lors de l’opération de police. Pour d’autres habitants, en revanche, ce procès sonne comme un préalable à la reconstruction.
Préjudice d’angoisse
« On attend d’être enfin reconnu comme victime, on était en première ligne, et on nous refuse ce droit », soupire Salima. Dans la nuit du 17 au 18 novembre 2015, certains ont perdu les économies de toute une vie, d’autres ont été blessés de plusieurs balles, sans compter le préjudice d’angoisse après des heures passées calfeutré dans son appartement en attendant la fin de l’assaut. Pourtant, le statut de victime du terrorisme leur a été refusé, au motif que les djihadistes ne les ont pas directement menacés. Outre la mairie de Saint-Denis, une quarantaine de propriétaires ou de locataires de l’immeuble s’apprêtent donc à se constituer partie civile, assure Méhana Mouhou, l’avocat qui les représente. « On veut faire croire qu’on habitait dans un squat, qu’on était tous des délinquants, c’est n’importe quoi », s’emporte Salima, qui continue de payer le crédit de son appartement tout en étant hébergée chez des amis. Plus de deux ans après les faits, une vingtaine d’habitants – dont une famille avec trois enfants – sur les 90 que comptait l’immeuble sont toujours en attente d’une solution durable. A la mairie de Saint-Denis, on espère que les régularisations ainsi que l’accompagnement renforcé récemment mis en place permettront de reloger les derniers naufragés de l’immeuble.
«J’étais pas au courant que c’étaient des terroristes, moi. (…) On m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service. » Le 18 novembre 2015, après quatre jours d’effroi, l’interview surréaliste de Jawad Bendaoud au micro de BFMTV fait esquisser un premier sourire à un pays encore sous le choc des attentats de Paris. Alors que l’assaut du Raid contre la planque d’Abdelhamid Abaaoud à Saint-Denis est toujours en cours, l’homme de 29 ans confie être le « propriétaire » de l’appartement. Le « logeur de Daesh » sera interpellé quelques minutes plus tard. Son procès pour recel de malfaiteurs terroristes s’ouvre mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris. A ses côtés, Mohamed Soumah, soupçonné d’avoir joué les intermédiaires avec Hasna Aït Boulhacen, la cousine d’Abaaoud, morte durant l’assaut. Il est reproché aux deux hommes d’avoir fourni un hébergement « à des individus dont ils ne pouvaient ignorer qu’ils étaient des terroristes ». Youssef Aït Boulhacen, frère d’Hasna, comparaît pour non-dénonciation d’un crime. Les enquêteurs ont noté de nombreux appels entre eux, coïncidant avec le moment où la jeune femme était en contact avec les terroristes.
Plus de 260 parties civiles
« Il ne faut pas sous-estimer les faits reprochés, met en garde l’avocat Méhana Mouhou, qui défend des victimes du Bataclan et des habitants de l’immeuble de Saint-Denis. On est dans la continuité des attentats. Ce logement servait de base arrière et, sans l’intervention du Raid, il aurait également permis aux terroristes de préparer une nouvelle vague d’attentats », notamment contre le centre commercial de La Défense. Jusqu’à présent, 266 parties civiles se sont manifestées. D’autres pourraient le faire à l’ouverture du procès. « Certaines n’en attendent pas grand-chose, mais veulent symboliquement exister, d’autres espèrent avoir accès à une première vérité », précise Claire Josserand Schmidt qui défend une dizaine de parties civiles. La personnalité éruptive de Jawad Bendaoud permettra-t-elle d’y accéder ? Tout au long de la procédure, lui et les deux autres prévenus n’ont eu de cesse de nier avoir eu connaissance de l’identité des « locataires ». Pourtant, Jawad Bendaoud a confié à ses proches avoir trouvé louche que ces Belges louent 150 € un appartement sans eau ni électricité et lui demandent la direction de La Mecque. Mohamed Soumah et lui encourent six ans de prison, Youssef Aït Boulhacen, trois ans.