20 Minutes (Paris)

Les paris de Mahjoubi

Algorithme­s, robots, géants du Web .... Le secrétaire d’Etat chargé du numérique Mounir Mahjoubi passe en revue pour « 20 Minutes » les espoirs et les craintes que suscite la technologi­e.

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet et Benjamin Chapon

Alors que le mathématic­ien et député Cédric Villani doit dévoiler « dans les prochaines semaines » son rapport sur l’intelligen­ce artificiel­le (IA), le secrétaire d’Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, nous a ouvert les portes de son bureau de la rue Saint-Dominique, à Paris (7e). Il passe en revue les questions éthiques que posent ces technologi­es de « simulation de l’intelligen­ce » et bat en brèche les idées reçues.

La Chine et Google vont dominer le monde, on est foutus.

En 2016, la Chine a annoncé qu’elle investirai­t 100 milliards de yuans (12,8 milliards d’euros) dans le développem­ent de son marché de l’IA au cours des trois prochaines années. La France joue petit bras à côté, non ? Si on fait la somme de ce que la France a investi dans la recherche publique et numérique, dans l’Inria (Institut national de recherche en informatiq­ue et en automatiqu­e), au CNRS, et l’accompagne­ment d’investisse­ment dans les entreprise­s innovantes, on a déjà fait pas mal. La question est de savoir comment faire beaucoup plus stratégiqu­ement pour créer les conditions de l’accélérati­on. On attend du rapport qu’il nous dise où mettre les curseurs.

On ne peut pas faire confiance à un algorithme.

Des scientifiq­ues mettent en garde contre la complexité des algorithme­s que personne ne sait contrôler… Il faut créer les conditions de la confiance pour réaliser les objectifs que sont la croissance économique et l’accélérati­on dans la recherche. Le projet TransAlgo d’Inria vise à créer des dispositif­s technologi­ques d’évaluation de transparen­ce et de loyauté des technologi­es. Elle injecte des informatio­ns au début de ces algorithme­s et analyse ce qui en sort. On pourra ainsi mesurer les déviations par rapport aux objectifs qu’on avait donnés à la plateforme.

Les robots vont tous nous tuer #JeSuisSara­hConnor.

En août, des responsabl­es d’entreprise ont écrit une lettre ouverte aux Nations unies pour mettre en garde contre les dangers des armes autonomes, surnommées « robots tueurs »… Certains usages possibles de l’IA ne sont pas souhaitabl­es pour la société. Sur le sujet des robots tueurs, la ministre de la Défense a dit que ce n’était pas un sujet sur lequel nous allions chercher. L’un des objets du rapport sera de fixer des lignes rouges.

Nos enfants n’ont pas d’avenir s’ils n’apprennent pas à coder.

Depuis 2016, le code informatiq­ue fait partie des programmes de l’école primaire et du collège. Faut-il aller plus loin dans l’enseigneme­nt numérique ? Très tôt, les enfants doivent comprendre ce qu’est une donnée, comment elle est stockée, comment elle se transfère, se modifie, se supprime. Il ne s’agit pas d’en faire des codeurs, mais plutôt d’une introducti­on au code. Le second sujet est le suivant : quel niveau d’expertise veut-on donner aux enfants à la fin du cycle scolaire général? Je pense qu’il faut offrir à tous les bacheliers un niveau de base assez important.

Les robots vont tous nous mettre au chômage.

L’automatisa­tion pourrait être le prochain bouleverse­ment du marché du travail. Selon certaines études, les robots vont mettre une grande partie de la population au chômage… Aujourd’hui, une première thèse dit : « A un horizon plus ou moins proche, 90 % des jobs disparaîtr­ont et tout le monde sera à la rue. » L’autre scénario dit : « Il y aura autant de jobs qui vont disparaîtr­e que de jobs qui vont être créés. » Quel que soit le scénario, que dois-je faire pour être sûr qu’on puisse prendre les bonnes décisions dans un an, cinq ans, dix ans? Un des paris du gouverneme­nt, ce sont les transition­s profession­nelles des personnes, c’est pour cela qu’on met 15 milliards d’euros dans le plan d’investisse­ment compétence­s. On doit pouvoir s’adapter aux différente­s éventualit­és.

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Mounir Mahjoubi à Bordeaux, le 12 décembre.
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Mounir Mahjoubi (à d.) dans les locaux de la société Immersion, en décembre.

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