Les étudiants d’attaque contre la réforme
Alors que les rideaux de fer sont baissés, une centaine d’étudiants se croisent, mardi, peu avant midi, à la faculté de Tolbiac (13e), annexe de l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne. Certains assistent à une conférence sur le thème « Comprendre l’effondrement de notre civilisation moderne. Introduction à la collapsologie. » D’autres s’apprêtent à organiser un atelier banderoles. Une jeune femme, elle, passe la serpillière. C’est son « tour » de ménage. La veille, un « blocage illimité » a été voté en assemblée générale. Depuis, l’auto-déclarée et autogérée « Commune libre de Tolbiac » s’organise, en attendant l’abandon de la loi sur les nouvelles modalités d’accès à l’université (la loi orientation et réussite des étudiants, ORE), considérée comme de la sélection par ses opposants. « Aujourd’hui [mercredi], nous allons tracter dans d’autres facs, notamment pour sensibiliser au blocage », détaille David, 19 ans, en première année d’économie-histoire. « Ce n’est que le début, promet Félix, qui suit le même cursus. Nous souhaitons une mobilisation totale et générale des étudiants mêlée au mouvement des cheminots. »
Comités, conférences...
« Fac occupée, fac vivante », affiche comme slogan la « Commune libre de Tolbiac ». De fait, outre des comités et des assemblées générales, des conférences sont organisées. Lundi soir, un débat entre les économistes Frédéric Lordon et Bernard Friot a eu lieu. Mais quid des cours? Ils « n’existent plus vraiment », indiquent David et Felix. « Le personnel administratif, les enseignants-chercheurs et les étudiants n’ont plus accès [à la fac], confirme Florian Michel, directeur du centre de Tolbiac. L’enseignement se fait à distance. » Lucie précise que « certains professeurs mobilisés nous envoient les cours par mail ». La direction, elle, dit privilégier « le dialogue », « le discernement » et « la patience » et doit rencontrer les organisations étudiantes et professionnelles, « pour essayer de trouver une solution ». Elle a fermé mardi le site de Saint-Charles (Ecole des arts de la Sorbonne), « par précaution », et commence à voir comment organiser les examens censés se tenir début mai. « Les bons étudiants, eux, s’en sortiront, car ils bossent chez eux, à la bibliothèque. Finalement, la sélection, ce sont les étudiants grévistes qui la feront », condamne Florian Michel. Les intéressés se défendent, et assurent « développer du tutorat pour les élèves qui seraient pénalisés ».
D égradations à Grenoble, blocages à Paris… En quelques semaines, l’opposition à la loi sur les nouvelles modalités d’accès à l’enseignement supérieur a pris différentes formes. A la tête de la Conférence des présidents d’université (CPU), Gilles Roussel fait le point sur la situation pour 20 Minutes.
Craignez-vous que ce mouvement contestataire prenne de l’ampleur ?
Ce qui nous inquiète, ce n’est pas tant la montée de la contestation, que celle des violences. Comme celles qui se sont déroulées à la faculté de droit de Montpellier, ou qui ont concerné certains étudiants nantais (mercredi).
Comment les présidents d’université tentent-ils d’éviter que le clan des opposants à la loi Vidal et celui des autres étudiants ne s’affrontent ?
Tant que c’est lors d’assemblées générales et dans le cadre d’un débat d’idées, il n’y a pas à faire intervenir les forces de l’ordre. Mais nous devons veiller à assurer la sécurité des étudiants, ce qui n’est pas évident quand il y a plusieurs sites à gérer. Pour éviter que des personnes extérieures à l’université viennent en découdre, certains présidents d’université ont organisé des filtrages à l’entrée. Sur certains sites, les sacs sont aussi fouillés à l’entrée.
Les examens auront-ils lieu, comme prévu, début mai ?
Oui, car nous défendons le service public et les étudiants ne doivent pas être pénalisés par la contestation. Aucun examen n’est annulé pour l’heure, quitte à ce qu’ils soient organisés sur des sites, eux, non bloqués.
Certains étudiants demandent des notes minimales de 10/20 aux examens…
J’y suis opposé. Les universités délivrent des diplômes nationaux et l’on ne peut pas décider localement de valider des compétences par défaut. De plus, cette demande est totalement contradictoire avec l’idée d’un service public égal sur tout le territoire, que réclament pourtant certains étudiants contestataires.