L’exécutif divisé sur la lutte contre les déserts médicaux
Numerus clausus Des experts livrent à « 20 Minutes » leurs réflexions pour lutter contre la désertification médicale
La lutte contre les déserts médicaux est revenue sur le devant de la scène, jeudi. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a en effet publié une étude selon laquelle, en 2018, on compte environ 100000 médecins de plus qu’en 2012. Principalement des spécialistes. Or la pénurie de généralistes est déjà installée : près de 5,7 millions de Français vivaient dans une commune sous-dense en 2016, selon cette étude. Alors que le candidat Macron avait promis d’augmenter le numerus clausus (nombre d’étudiants admis en seconde année d’études de santé), et que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a, par la suite, rétropédalé sur la question, la mesure est-elle indispensable? «Augmenter le numerus clausus, ce serait agir sur la démographie médicale dans quinze ou vingt ans, prévient Jean-Baptiste Bonnet, président de l’InterSyndicale nationale des internes (Isni). Ce que l’on paie aujourd’hui, c’est le numerus clausus actuel d’il y a vingt ans.» Entre 1995 et 2002, pour des raisons d’économie, les pouvoirs publics avaient en effet largement baissé ce quota. A ses yeux, la mesure ne vaudrait que si l’on «augmente les capacités de formation, donc les budgets», entre autres.
S’installer où l’on a grandi
Pour Catherine Mangeney, chargée d’études à l’Observatoire de santé d’Ile-de-France, «le déficit de généralistes libéraux est lié à trois critères : la baisse du numerus clausus, la transformation sociétale, car les jeunes travaillent moins d’heures que la génération précédente, et, enfin, des disparités d’accès aux soins en France. Augmenter le numerus clausus ne répartira pas mieux les médecins sur le territoire ! » La ministre de la Santé est plus radicale : « Le numerus clausus est passé de 6 000 à 8 000 ces dernières années, rappelaitelle en octobre. La population médicale va donc augmenter. Le problème est qu’elle ne sera pas forcément faite de généralistes. Nous devons voir comment rétablir l’équilibre entre généralistes et spécialistes. » Catherine Mangeney suggère alors une piste « qui fonctionne à l’étranger » : diversifier le profil des étudiants qui accèdent au concours. «La faculté de Bobigny propose une prépa ouverte aux jeunes des banlieues défavorisées ou des zones rurales. Les médecins veulent s’installer dans ces zones, parce qu’ils en sont issus.» Jean-Baptiste Bonnet va plus loin en imaginant, par exemple, de construire des internats pour médecins en zone rurale. A condition, bien sûr, d’avoir une bonne couverture numérique. C’est donc toute l’attractivité de ces territoires qu’il faut améliorer.
Oihana Gabriel