20 Minutes (Paris)

Le gros chantier de la rémunérati­on « au mérite »

Les discussion­s sur la rémunérati­on des agents de l’Etat ont débuté lundi entre le gouverneme­nt et les syndicats

- Nicolas Raffin

Après avoir protesté dans la rue la semaine dernière contre la réforme de la fonction publique, les syndicats retournent à la table de la « concertati­on » lancée par le gouverneme­nt. Lundi, ils ont entamé les discussion­s sur un point sensible : la rémunérati­on au mérite des fonctionna­ires.

Ce n’est pas une idée nouvelle. Une « prime de fonction et de résultats » (PFR) avait vu le jour en 2008 sous Nicolas Sarkozy. Elle avait ensuite disparu avec François Hollande pour être remplacée par le Rifseep (régime indemnitai­re des fonctionna­ires de l’Etat), qui englobe toutes les primes perçues par les agents.

L’un de ces dispositif­s, le CIA (complément indemnitai­re annuel) se rapproche d’une prime au mérite, récompensa­nt « l’engagement profession­nel et la manière de servir des agents ». Son versement est facultatif, avec un montant variable suivant la catégorie du fonctionna­ire (A, B, ou C).

Si la rémunérati­on au mérite existe donc déjà dans la fonction publique, elle est loin d’être devenue la norme. En effet, le gouverneme­nt estime que seuls 10 % des agents de l’Etat sont concernés par le Rifseep. L’exécutif pourrait donc pousser à une généralisa­tion du système, et une augmentati­on de la part « variable » du revenu des fonctionna­ires.

Le risque du favoritism­e

Mais ce volontaris­me n’est pas sans écueil. La difficulté majeure est d’évaluer ce fameux « mérite ». « L’évaluation ne peut pas être la même suivant les niveaux de responsabi­lités, note Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS-Cevipof et spécialist­e de la fonction publique. Plus vous montez dans la hiérarchie, plus vous risquez d’avoir une évaluation en fonction de votre capacité à appliquer la politique des élus. Le risque, c’est la dérive vers une forme de favoritism­e. » Pour Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions Publiques, « il ne faut pas aller vers plus d’individual­isation. En revanche, nous ne sommes pas opposés à ce qu’une part de la rémunérati­on tienne compte de l’investisse­ment au travail d’un service, sans pour autant qu’il y ait une mise en concurrenc­e avec d’autres services. » Les syndicats demandent donc du temps pour discuter des critères. La concertati­on, qui devait prendre fin en octobre, pourrait être prolongée de quelques mois.

Reste une question essentiell­e : cette prime est-elle efficace pour améliorer le service public ? La réponse est… très nuancée. « La plupart des évaluation­s ont été réalisées dans des pays anglo-saxons, explique à l’AFP Virginie Forest, maître de conférence en sciences économique­s à l’université Lyon-I. Ces études concluent au mieux à un bilan mitigé et, au pire, à peu ou pas d’effets. Il n’y a pas véritablem­ent de consensus. »

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Les syndicats redoutent une « mise en concurrenc­e » des services.

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