Le gros chantier de la rémunération « au mérite »
Les discussions sur la rémunération des agents de l’Etat ont débuté lundi entre le gouvernement et les syndicats
Après avoir protesté dans la rue la semaine dernière contre la réforme de la fonction publique, les syndicats retournent à la table de la « concertation » lancée par le gouvernement. Lundi, ils ont entamé les discussions sur un point sensible : la rémunération au mérite des fonctionnaires.
Ce n’est pas une idée nouvelle. Une « prime de fonction et de résultats » (PFR) avait vu le jour en 2008 sous Nicolas Sarkozy. Elle avait ensuite disparu avec François Hollande pour être remplacée par le Rifseep (régime indemnitaire des fonctionnaires de l’Etat), qui englobe toutes les primes perçues par les agents.
L’un de ces dispositifs, le CIA (complément indemnitaire annuel) se rapproche d’une prime au mérite, récompensant « l’engagement professionnel et la manière de servir des agents ». Son versement est facultatif, avec un montant variable suivant la catégorie du fonctionnaire (A, B, ou C).
Si la rémunération au mérite existe donc déjà dans la fonction publique, elle est loin d’être devenue la norme. En effet, le gouvernement estime que seuls 10 % des agents de l’Etat sont concernés par le Rifseep. L’exécutif pourrait donc pousser à une généralisation du système, et une augmentation de la part « variable » du revenu des fonctionnaires.
Le risque du favoritisme
Mais ce volontarisme n’est pas sans écueil. La difficulté majeure est d’évaluer ce fameux « mérite ». « L’évaluation ne peut pas être la même suivant les niveaux de responsabilités, note Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS-Cevipof et spécialiste de la fonction publique. Plus vous montez dans la hiérarchie, plus vous risquez d’avoir une évaluation en fonction de votre capacité à appliquer la politique des élus. Le risque, c’est la dérive vers une forme de favoritisme. » Pour Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions Publiques, « il ne faut pas aller vers plus d’individualisation. En revanche, nous ne sommes pas opposés à ce qu’une part de la rémunération tienne compte de l’investissement au travail d’un service, sans pour autant qu’il y ait une mise en concurrence avec d’autres services. » Les syndicats demandent donc du temps pour discuter des critères. La concertation, qui devait prendre fin en octobre, pourrait être prolongée de quelques mois.
Reste une question essentielle : cette prime est-elle efficace pour améliorer le service public ? La réponse est… très nuancée. « La plupart des évaluations ont été réalisées dans des pays anglo-saxons, explique à l’AFP Virginie Forest, maître de conférence en sciences économiques à l’université Lyon-I. Ces études concluent au mieux à un bilan mitigé et, au pire, à peu ou pas d’effets. Il n’y a pas véritablement de consensus. »