« La route est longue pour parvenir à la dénucléarisation »
Diplomatie L’accord sur la dénucléarisation de la Corée du Nord n’est pas si engageant que cela, estime le spécialiste Antoine Bondaz
La rencontre, mardi à Singapour, entre Donald Trump et Kim Jong-un a abouti à la signature d’un document dans lequel le dirigeant nord-coréen s’engage pour une « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». Une victoire pour le locataire de la Maison-Blanche? «Il faut rester prudent», répond Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, enseignant à Sciences po et spécialiste de la Corée du Nord.
On parle d’un acte historique. Est-ce vraiment le cas ?
La rencontre en elle-même l’est, mais la déclaration, qui est politique et non technique, est décevante. Le document commun est beaucoup moins contraignant et engageant que certains accords passés. Il permet tout de même de donner un cadre aux négociations futures et assure à court terme une relative stabilité dans la péninsule.
Donald Trump a assuré que
« le processus » de dénucléarisation pourrait commencer
« très rapidement »…
Il faut relativiser cette déclaration. Depuis les années 1990, la Corée du Nord a pris de nombreux engagements sur cette dénucléarisation, comme en 1992 avec la Corée du Sud. La seule chose nouvelle, ici, est d’avoir ajouté le mot «complète» à la dénucléarisation, et de parler – c’est une concession américaine – de la dénucléarisation complète de la Corée, et pas seulement celle du Nord. Ce qui ne se trouve pas dans l’accord, en revanche, c’est que la dénucléarisation doit être « vérifiable et irréversible », seuls termes connus dans le cadre du Conseil de sécurité de l’ONU [formule qui signifie l’abandon des armes et l’acceptation d’inspections, une exigence américaine avant la rencontre].
Il y a encore quelques mois, Donald Trump menaçait son homologue nord-coréen sur Twitter. Comment expliquer ces avancées ?
D’abord, la Corée du Sud a servi d’intermédiaire. Les Etats-Unis ont aussi mis une pression maximale, incitant la Corée du Nord à revenir à la table des négociations. Surtout, le pays a avancé son programme nucléaire et balistique et a annoncé en novembre avoir complété ses forces nucléaires. Ce sommet permet à Kim Jong-un d’obtenir une stature internationale. Donald Trump, lui, montre qu’il est capable de se défaire d’accords conclus par ses prédécesseurs, mais aussi d’en signer de nouveaux.
Finalement, la méthode Trump semble efficace ?
On est dans la bonne direction, mais on reste sur des déclarations d’intention. La route est encore longue et sinueuse pour parvenir à la dénucléarisation.