Nettoyer les océans ? La mer à boire
Pour les scientifiques, collecter tous les déchets est illusoire, mieux vaut éviter d’en produire
Boyan Slat promet « le plus grand nettoyage de l’histoire ». En septembre, cet entrepreneur néerlandais de 23 ans mettra à l’eau une immense barrière flottante en forme de fer à cheval. Sa mission : piéger les plastiques du fameux septième continent, ce vortex de déchets grand comme trois fois la France qui flotte dans le Pacifique nord, entre la Californie et Hawaï. Le projet, baptisé Ocean Cleanup, est on ne peut plus ambitieux : le jeune étudiant-inventeur-écologiste se dit en mesure de nettoyer en cinq ans 50 % de l’océan de déchets, qui en compte, selon une étude publiée en mars, 72000 t. Puis il s’attaquera aux quatre autres vortex du même type dans le monde. Mais, contre toute attente, son optimisme agace les scientifiques.
Tout d’abord, parce que « sa technologie ne permettra de collecter que les macroplastiques», indique Jeff Ghiglione, directeur de recherche en écotoxicologie au CNRS et collaborateur de la Fondation Tara Expéditions. En mer, les plastiques qui ne se dissolvent pas se fragmentent en particules inférieures à cinq millimètres. Or « ce sont elles qui constituent l’essentiel de la pollution plastique des mers et des océans », précise le navigateur Patrick Deixonne, fondateur de l’association Expédition 7e continent. Il s’inquiète par ailleurs «des conséquences sur les écosystèmes » d’un ensemble qu’il compare à « un dispositif de pêche permanent ».
Surtout, «Ocean Cleanup laisse penser qu’on peut nettoyer les océans et que cette pollution plastique est en passe d’être résorbée », insiste Jeff Ghiglione. Lui comme Patrick Deixonne n’en démordent pas : «Les solutions sont à trouver à terre. » Il faut ainsi sensibiliser les consommateurs aux emballages superflus, améliorer la collecte et le recyclage des plastiques, ramasser efficacement les macrodéchets dans les cours d’eau… Mais aussi « donner de la valeur aux déchets plastiques», rappelle Jean-Marc Boursier, directeur général adjoint de Suez et président de la Fédération française des activités de dépollution et de l’environnement (Fnade). C’est-à-dire « réussir à instaurer un système dans lequel la valeur de la matière plastique est supérieure au coût de sa collecte et de son recyclage ». C’est le cas aujourd’hui pour l’aluminium ou le cuivre, illustre-t-il.
Yvan Bourgnon, ce navigateur suisse qui planche lui aussi sur une solution visant à collecter les déchets plastiques en mer, voit tout de même un point positif au projet de Boyan Slat : « Celui d’avoir sensibilisé des millions de personnes à la pollution des océans. »
Ocean Cleanup ne retiendra que les macroplastiques.