20 Minutes (Paris)

Le départemen­t tend la main aux enfants de djihadiste­s

En moins de deux ans, le départemen­t a déjà pris en charge la moitié des enfants rentrés de zone irako-syrienne

- Caroline Politi

Elle bondit en entendant le terme « bombe à retardemen­t ». Peut-on vraiment désigner ainsi des enfants, même s’ils ont passé les premiers mois de leur vie en zone irako-syrienne, sous le régime de Daesh ? « Je n’ai pas de boule de cristal pour l’avenir, mais je ne crois pas au déterminis­me, sinon je ne ferais pas ce métier », insiste Delphine*, responsabl­e de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en Seine-Saint-Denis. L’expression a pourtant été employée en janvier par un homme que l’on ne pourrait accuser de chercher à faire le buzz : François Molins, le procureur de la République de Paris.

Les juges privilégie­nt un placement dans des familles d’accueil expériment­ées.

Sur les 500 mineurs qui se trouvaient en Syrie ou en Irak, 77 sont revenus, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Parmi eux, cinq adolescent­s ont été condamnés pour « associatio­n de malfaiteur­s terroriste » et trois sont en détention provisoire. Les autres sont considérés comme des enfants en danger et pris en charge par les services sociaux, de plus en plus souvent en Seine-Saint-Denis. Non pas parce que leurs parents en sont originaire­s, mais parce que ces mineurs atterrisse­nt à l’aéroport Charles-deGaulle, rattaché à la juridictio­n de Bobigny.

Depuis la fin 2016, l’aide sociale du départemen­t s’est occupée de 37 en- fants, âgés de 3 mois à 13 ans. Seuls six d’entre eux ont été remis à leur famille à l’issue d’une courte période de placement. « Ce sont des cas où l’un des parents a emmené les enfants en Irak ou en Syrie sans l’accord de l’autre », précise Delphine.

Les juges privilégie­nt un placement en famille d’accueil plutôt qu’en foyer. Toutes sont très expériment­ées et n’ont pas d’autres enfants à charge. La raison est d’abord matérielle : il s’agit généraleme­nt de fratries qu’il n’est pas souhaitabl­e de séparer. Ce choix est également dicté par l’attention particuliè­re qu’ils demandent. Aucun de ces petits « revenants » n’a été enfant-soldat, mais certains ont perdu un parent, d’autres ont grandi sous les bombardeme­nts. « Ils ont subi des traumatism­es précoces et présentent tous types de troubles posttrauma­tiques, précise le Pr Thierry Baubet, chef de l’un des services de pédopsychi­atrie qui les suivent. Ces angoisses peuvent revenir bien des années plus tard, d’où la nécessité d’une prise en charge précoce et sur la durée. » Leur état varie en fonction de leur histoire et de leur âge. Certains parlent à peine français et manifesten­t un référentie­l de valeurs très différent ; ils savent avant même d’avoir 6 ans ce qu’est une Kalachniko­v. D’autres, en revanche, semblent avoir été plus préservés. Reprendre une vie « normale » passe également par le maintien des liens familiaux. Les enfants dont les parents sont incarcérés leur rendent visite tous les quinze jours environ. Des déplacemen­ts lourds à gérer pour les services sociaux, mais nécessaire­s à l’équilibre. Dans certains cas, la garde est réclamée par la famille élargie, souvent les grands-parents. Une enquête approfondi­e est alors menée par la protection judiciaire de la jeunesse. Mais ces enquêtes sont longues et, pour l’heure, aucune demande n’a abouti.

* Le prénom a été changé.

Tous les quinze jours, des enfants rendent visite à leurs parents incarcérés. Des déplacemen­ts lourds à gérer, mais indispensa­bles.

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Les enfants accueillis par l’aide sociale ont entre 3 mois et 13 ans.

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