Isolés volontaires
On les appelle « hikikomori ». Ces personnes ont décidé de s’extraire d’une société dans laquelle elles ne se reconnaissent pas. Plusieurs d’entre elles ont accepté de se confier à « 20 Minutes »
« Ah, mais ce sont des “nolife”, c’est ça ? » Non, les « hikikomori » n’ont rien à voir avec ces ados aux cheveux gras qui passaient il y a dix ans leur vie à jouer à « World of Warcraft » dans leur chambre, parce que leurs parents étaient « trop des cons ». Il s’agit d’un véritable mode de vie, avec ses motivations, ses subtilités et ses codes.
Le terme vient du Japon et désigne des personnes qui ont décidé de se couper complètement ou partiellement de la « vie réelle » en passant la plupart du temps, ou tout leur temps, chez eux. Comme le précise la psychiatre Marie-Jeanne Guedj-Bourdiau au Figaro, le fait d’être hikikomori n’est pas une pathologie, ni un syndrome, mais une conduite, «une sorte de résistance passive ».
Un lit comme refuge
Au départ, et dans une grande partie des cas, ils se sentent décalés, jugés, ou ont été déçus par leur entourage et la société. « Je n’ai jamais rendu fiers mes parents, qui sont plus facilement ébahis devant la réussite des autres », explique Amalgamer, hikikomori depuis 2010. En plus de sa famille, l’homme de 35 ans, en surpoids à cause de problèmes hépatiques et thyroïdiens, a longtemps subi le jugement des autres. « Je me suis pris les pires réflexions de la part de certains mecs sur moi, ma vie, ce que j’étais… Entre mes 18 et 28 ans, je sortais dans des soirées, des festivals, et je n’ai jamais rencontré l’amour, je n’ai jamais été aimé. » Naît de ce rejet un vif ressenti envers cette société qui ne les comprend pas et qu’ils ne comprennent pas. «J’ai fui le monde, car il était trop dur, trop brutal, trop insécurisant, trop injuste, trop…, énumère Ael. Physiquement, je ne peux plus encaisser ce système.» Le rejet du monde extérieur peut en effet devenir physique. Pour la plupart, sortir de chez eux est devenu un « calvaire ». Tous se sont donc créé une « bulle », dans laquelle ils se sentent bien et passent le plus clair de leur temps. Pour certains, il s’agit de leur lit. C’est, par exemple, le cas de Fiaido qui, au moment de l’interview, assurait ne pas l’avoir quitté depuis vingt-huit heures. De son côté, Ael a réuni tout son univers (beaucoup d’ordinateurs) dans son chalet, seul endroit qui le « rassure ». Leur mode de vie est très particulier, mais ils souhaiteraient qu’il soit mieux accepté, et même reconnu, afin de ne plus être considérés comme «des cas isolés» ou des «reclus sociaux ». Au Japon, selon une étude publiée en 2016 par le gouvernement, les hikikomori seraient plus d’un million. En France, le phénomène n’est pas reconnu par les autorités, alors que, selon Le Figaro, des spécialistes estiment qu’ils seraient des dizaines de milliers.