20 Minutes (Paris)

La double peine des obèses

Un livre dénonce le manque de matériel adapté aux personnes de forte corpulence, et les risques qui en découlent

- Oihana Gabriel

«Quand on enfile une blouse d’examen, il faut se poser la question : est-ce que je préfère montrer mes fesses ou mon pubis ? Ça s’appelle une atteinte à la dignité ! » s’agace Anne-Sophie Joly, la présidente du Collectif national des associatio­ns d’obèses (CNAO). Au-delà, il s’agit surtout d’un problème de santé publique. Car, comme le soulignent Daria Marx et Eva Perez dans leur manifeste contre la grossophob­ie Gros n’est pas un gros mot (Flammarion, publié fin mai), les obèses sont freinés dans leur accès aux soins à cause d’un matériel médical inadapté à leur forte corpulence.

Maltraitan­ce, humiliatio­n

Ce peut être « un lève-malade qui ne supporte pas plus de 120 kg, illustre Eva Perez. Pour la toilette, c’est compliqué, il y a des services où ils appellent du personnel en renfort, mais, sinon, on laisse les patients dans des conditions d’hygiène déplorable­s. » Ce peut être aussi un appareil d’IRM qui, insuffisam­ment large, oblige le patient à passer son examen dans un cabinet vétérinair­e. Plutôt « très humiliant », tempête Pascale Champagne, vice-présidente d’Allegro Fortissimo, associatio­n contre la discrimina­tion des personnes de forte corpulence. Les exemples sont malheureus­ement légion. Autre problème, quand les examens sont irréalisab­les, ils ne sont pas toujours fiables. « Certains patients ne peuvent se faire prendre la tension, car les médecins de ville sont rarement équipés d’un brassard taille obèse pour le tensiomètr­e, dénonce Eva Perez. Et, quand ils compriment leur bras pour le passer, mécaniquem­ent ça fait augmenter la tension. Ce qui peut conduire à de mauvais diagnostic­s : parcours de soins pas adapté ou, au contraire, retard de prise en charge. » Autant de complicati­ons qui retiennent certaines personnes de consulter, ce qui peut multiplier les risques de développer cancers, diabète, hypertensi­on, pour ne citer que ces pathologie­s.

« Les outils existent, assurent les auteures de Gros n’est pas un gros mot. Mais ils ne sont pas commandés. C’est donc un choix de santé publique.» Le ministère semble s’être emparé de la question, il planche sur un nouveau plan obésité. Il y a eu d’ailleurs des avancées. Trente-sept centres spécialisé­s obésité (CSO) en France ont ouvert et ont acheté du matériel adapté, comme des brancards (300-318 kg), des tables de bloc (270-450 kg), etc., précise l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Anne-Sophie Joly espère, elle, que « l’obésité devienne grande cause nationale ». Il y a urgence. Dix-sept pour cent des Français souffrent d’obésité, selon l’étude de Santé publique France de juin 2017. Et, d’après l’OMS, en 2045, un individu sur trois sera obèse si l’on reste à ce rythme.

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Selon Santé publique France en juin 2017, 17 % des Français sont obèses.

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