20 Minutes (Paris)

L’antiterror­isme prend forme

« 20 Minutes » a suivi l’Agence française de développem­ent (AFD) au Niger, pays situé dans une zone où les attentats sont fréquents et la réponse judiciaire défaillant­e. L’AFD y forme de futurs magistrats, notamment.

- De notre envoyé spécial au Niger, Vincent Vantighem

Un trou en pleine tête. Des yeux révulsés. La photo du terroriste mort a été projetée sur le mur de la salle de classe. Samna Cheibou en a vu d’autres. « Regardez bien la bombe sous sa veste, insiste le procureur de Niamey. Vous voyez les câbles ? Quand vous rencontrez quelqu’un qui recherche des fils électrique­s, cela doit donc attirer votre attention... » C’est plus une évidence qu’un cours magistral d’antiterror­isme. Pourtant, les seize élèves encravatés de la toute nouvelle Ecole de formation judiciaire du Niger s’appliquent à recopier, mot pour mot, la leçon dans leurs petits cahiers à grands carreaux. Même les conseils les plus basiques sont bons à prendre, vu l’ampleur de la tâche qui les attend, une fois diplômés. Avec seulement 398 magistrats et 145 avocats pour 20 millions d’habitants, le Niger connaît actuelleme­nt une crise judiciaire d’autant plus grave que ses 6 000 km de frontières sont gangrénés par les mouvements terroriste­s. Boko Haram à l’est. Al-Qaïda au Maghreb islamique au nord. Le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest, à la frontière avec le Mali...

Pour prévenir les risques d’attentats, des plots en béton ont été installés devant les hôtels de Niamey. Et les gardes vérifient jusqu’au contenu de la boîte à gants de chaque véhicule. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau au milieu du désert judiciaire. « Derrière, la chaîne pénale est complèteme­nt défaillant­e », se désole un diplomate. Pour y remédier, l’Agence française de développem­ent (AFD)* mène donc un projet d’appui à la justice, doté de six millions d’euros de fonds d’urgence européens. « Il faut commencer par revoir toutes les procédures, explique Franck Leroy, chargé de mission pour l’AFD. Car, bien souvent, la plupart des suspects sont libérés en raison de vices de forme... »

Pour éviter ça à l’avenir, le procureur de Niamey a fait distribuer des formulaire­s pré-remplis aux forces de sécurité. « Ils n’ont plus qu’à cocher “oui” ou “non” désormais quand ils procèdent à des arrestatio­ns, justifie-t-il. Cela devrait permettre d’éviter les erreurs. » Et puis, on leur a également expliqué qu’il ne fallait pas perquisiti­onner des logements suspects sans avoir eu l’accord du juge. Ou encore que cela ne servait à rien de saisir tous les téléphones portables sans avoir noté, au préalable, à qui ils appartienn­ent. « Je me souviens d’une vague d’arrestatio­ns de membres de Boko Haram, explique François Boko, avocat et chef des experts pour le projet de l’AFD. Sur 800 suspects, seuls 25 ont été emprisonné­s. Les autres ont dû être relâchés à cause de vices de procédure. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir... » Mais les effets se font sentir. Selon le procureur de Niamey, les premiers procès terroriste­s ont débuté. « Et vis-à-vis d’eux, on a de sérieux indices ! »

Avec 398 magistrats et 145 avocats, le Niger connaît une crise judiciaire.

* Reportage réalisé à l’invitation de l’AFD.

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Un dispositif antiterror­iste à Niamey (Niger). A nos lecteurs. Chaque mardi, retrouvez «20 Minutes» en version PDF sur le site et les applicatio­ns mobiles. Et suivez l’actualité sur tous nos supports numériques.
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Samna Cheibou, le procureur de Niamey, la capitale du Niger, donne un cours aux futurs magistrats du pays.

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