La peur du vide
L’Insee a beau affirmer que le pouvoir d’achat aura augmenté en 2018, les Français s’inquiètent. Le coût du logement, notamment, grève leur budget.
Alors, en hausse ou en baisse? Le pouvoir d’achat est l’un des arguments utilisés par les politiques pour se féliciter ou, au contraire, pour dénoncer des choix économiques. Le budget 2019 n’a pas échappé à la règle : pendant que le gouvernement défendait ses allégements sur la fiscalité, l’opposition lui rappelait la faible revalorisation des retraites. Qui a raison? D’après l’Insee, le pouvoir d’achat n’a cessé de progresser : après 1,8 % en 2016 et 1,3 % en 2017, il devrait encore augmenter de 1 % cette année. Mais 86 % des Français interrogés par Odoxa estiment que leur pouvoir d’achat s’est dégradé en 2018, et que la tendance se prolongera en 2019. Ce décalage peut s’expliquer de différentes manières. Pour Hélène Baudchon, spécialiste de l’économie française, «les ménages se montrent plus sensibles à l’évolution des prix du quotidien (l’essence, le pain, le café), surtout quand ils sont en hausse. Pourtant, à partir de la fin du mois, vous aurezdes baisses d‘impôts visibles (suppression des cotisations, baisse de la taxe d’habitation), ainsi que des revalorisations de minima sociaux, mais ces évolutions positives ne paraissent pas intégrées.»
Et le logement ?
Une autre explication tient au rythme des réformes. «Le fait qu’il y ait eu un décalage entre la hausse immédiate de la CSG et la baisse (en deux temps) des cotisations a laissé entendre que l’opération avait pour but de faire rentrer plus d’argent dans les caisses », avance Philippe Martin, président du Conseil d’analyse économique (CAE). De fait, l’Insee estime que le pouvoir d’achat a bien reculé au premier trimestre 2018, et les annonces du gouvernement sur les baisses futures n’ont pas encore convaincu l’opinion. Dans Pouvoir d’achat : Le grand mensonge (éd. Eyrolles), l’économiste Philippe Herlin juge que c’est la méthodologie de l’Insee qui pose problème. «L’indice des prix à la consommation, qui sert de base pour calculer le pouvoir d’achat, ne prend pas assez en compte les dépenses de logement. Pour l’Insee, l’achat d’une résidence principale est un investissement, pas une dépense de consommation. Or l’augmentation des prix de l’immobilier a amputé les revenus des ménages.» Pour répondre – en partie – à ces reproches, un «simulateur d’indice des prix» a été mis en place. En entrant vos habitudes de consommation dans le calculateur, vous obtenez une évolution «personnalisée» des prix. Un outil qui, visiblement, n’a pas mis fin au débat.