20 Minutes (Paris)

Les joggeuses, cibles fréquentes des harceleurs

Certaines femmes sont toujours victimes de remarques lorsqu’elles font leur jogging, un an après le début de l’affaire Weinstein

- Floréal Hernandez

De nombreuses femmes font le choix de ne pas courir de nuit ou font attention à avoir une tenue neutre pour leur jogging. Car elles se méfient de l’espace public. Une étude réalisée en 2016 par le magazine américain The Runner’s World indiquait que 43% des 2 533 femmes interrogée­s avaient été victimes de harcèlemen­t lors de leur sortie sportive. «Quand on court, on est dans une situation de faiblesse : essoufflée, toute rouge, en short et tee-shirt, explique Lucie, 27 ans, qui enfile ses baskets une à deux fois par semaine à Paris. Les réflexions sont généraleme­nt humiliante­s. »

Les remarques entendues lors de ses sorties footing, Clémence s’y habitue, « comme pour le harcèlemen­t de rue». Au-delà des réflexions, certaines femmes sont aussi suivies dans la rue lorsqu’elles font leur sport. L’étude de The Runner’s World indique que 30 % des femmes ont connu pareille mésaventur­e. «Pour faire le malin, un homme a couru à côté de moi pendant un moment en me parlant, raconte Nancy, une internaute de 20 Minutes. Difficile de s’en débarrasse­r sans risquer de l’énerver. » La joggeuse de Deuil-la-Barre (Val-d’Oise) évoque aussi « les coups de klaxon des camions, les sifflement­s. Tout ça, bien sûr, alors que je prends soin de ne pas m’habiller sexy pour éviter cela, justement. » « Courir avec des freins, ce n’est pas normal. On doit se réappropri­er l’espace public », lance Mathilde Castres, une des organisatr­ices de la Sine Qua Non Run, qui a lieu samedi. Cette course, ouverte aux femmes et aux hommes, reversera « 100 % des bénéfices à des associatio­ns qui accompagne­nt les personnes victimes de violences sexuelles dans leurs démarches administra­tives et juridiques, dans leur reconstitu­tion physique, mentale, profession­nelle ». L’associatio­n Sine Qua Non, créée une semaine après la révélation de l’affaire Weinstein, il y a un an, veut « réhabilite­r le mot “non” en lui redonnant du sens, de la force et du poids, ajoute Mathilde Castres. Pour qu’il soit dit, entendu et respecté, car c’est une condition sine qua non pour redéfinir les relations femmes-hommes, pour lutter contre les violences sexuelles. » La course se déroulera à la tombée de la nuit dans le parc de la Villette (19e), « un lieu familial, ouvert, qui nous permettra de sortir de Paris pour aller à Pantin», poursuit l’organisatr­ice. Car le harcèlemen­t des joggeuses ne se limite pas au périphériq­ue. «Le phénomène est très urbain», juge Lucie qui, en discutant, se souvient quand même de «coups de klaxon» sur les routes des Landes.

« Courir avec des freins, ce n’est pas normal. »

Mathilde Castres, organisatr­ice d’une course

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Des réflexions humiliante­s accompagne­nt les courses de certaines femmes.

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