Le petit écran perce le plafond de verre
A l’image de Natasha Lyonne dans « Poupée russe », les auteures s’affirment de plus en plus
C’est déjà l’une des meilleures séries de l’année. «Poupée russe», disponible sur Netflix depuis le 1er février, raconte la nuit cauchemardesque de Nadia (Natasha Lyonne), qui meurt et ressuscite à répétition, bloquée dans une boucle temporelle. Voix rauque, attitude androgyne et boucles en bataille, Natasha Lyonne est magnétique à l’écran et aussi habile dans un registre comique que dramatique. Avant «Poupée russe», elle n’avait jamais vraiment trouvé d’oeuvre à la hauteur de son talent. Et ce n’est pas un hasard, puisqu’elle l’a cocréée, coécrite et coréalisée.
Natasha Lyonne n’est pas la seule actrice à avoir façonné son propre rôle pour une série ces derniers temps. C’est aussi le cas de Pamela Adlon («Better Things»), Frankie Shaw (« Smilf »), Lena Dunham (« Girls »), entre autres. Cette porte d’entrée dans le monde des séries permet aux actrices d’avoir un plus grand contrôle sur leur travail, et sur les histoires qu’elles veulent raconter et incarner, comme Nicole Kidman et Reese Witherspoon, qui ont choisi de produire « Big Little Lies » en réaction aux rôles féminins trop limités et réducteurs que propose Hollywood. « Les femmes doivent se créer leur propre job, sinon on leur donne une James Bond girl», ironise Sarah Sepulchre, professeure à l’université catholique de Louvain.
Une fois à la tête de leur propre série, les actrices, créatrices et productrices de série en profitent pour mettre en avant des thèmes souvent féministes. Selon Séverine Barthes, maîtresse de conférences à l’université SorbonneNouvelle «les femmes, quand elles arrivent à une position de pouvoir, sont conscientes des difficultés qu’ellesmêmes ont pu avoir et peuvent mettre à profit cette position de pouvoir pour développer un discours et favoriser des changements de représentation.» C’est ce qu’a fait Maggie Gyllenhaal dans « The Deuce », série de David Simon pour laquelle elle est actrice et productrice. Elle y incarne Candy, une prostituée qui décide de devenir réalisatrice de films porno et se confronte à un système masculin et sexiste. L’actrice a insisté pour que les scènes de sexe se focalisent autant sur son plaisir que sur celui de ses partenaires masculins.
«Politique de représentation»
La télé permet ainsi à de nombreuses femmes de raconter des histoires explicitement féministes : la maternité pour Pamela Adlon, la violence domestique pour Nicole Kidman et Reese Witherspoon. Ces séries « ont une vraie politique de représentation, selon Sarah Sepulchre. Un homme n’aurait jamais osé écrire le personnage de Hannah dans “Girls”, par exemple. Beaucoup d’hommes ne comprennent pas ce que c’est d’avoir un corps de femme, d’avoir des enfants, la plupart d’entre eux ne savent pas ce qu’est une double journée, la peur de circuler dans la ville, etc. Il y a des choses que seule une femme peut écrire. »