20 Minutes (Paris)

Insultée sur Twitter après avoir dénoncé son agresseur

Safiétou a reçu des messages racistes et misogynes après avoir posté une vidéo de l’homme qui l’avait agressée dans le métro

- Propos recueillis par Marie de Fournas

«Ça a commencé le jour où j’ai publié sur Twitter une vidéo de l’homme assis en face de moi dans le métro en train de se masturber [le 12 décembre sur la ligne 7 du métro], raconte Safiétou, 21 ans, victime de cyberharcè­lement. C’était pour montrer mon quotidien et celui de beaucoup de femmes dans les transports en commun, mais, surtout, pour que cet homme dont j’ai filmé le visage soit arrêté. La vidéo a rapidement été partagée de nombreuses fois et, le jour même, il y a eu quelques commentair­es de personnes sous la vidéo disant que “j’aimais ça” ou encore que je publiais cette vidéo simplement “pour faire le buzz”.

Mais le véritable harcèlemen­t est arrivé lorsque BFMTV a publié une vidéo dans laquelle je témoigne. Je m’attendais un peu à ce qu’il y ait des commentair­es misogynes ou autres, mais je ne pensais pas qu’il y en aurait autant. J’ai reçu des commentair­es publics et des messages privés. Il y a des gens qui ont justifié l’acte que j’avais subi en disant que, si je n’étais pas contente, je n’avais qu’à me déplacer ou que c’était à cause de la façon dont j’étais habillée. J’ai reçu des menaces et des insultes racistes sur mes origines. On m’a traité de “négresse” et certains ont fait un parallèle avec Nafissatou Diallo. En privé, un monsieur m’a écrit que je n’avais pas de valeurs et que je faisais ça pour attirer l’attention, obtenir des aides. Il y a également eu du « body shaming ». On a écrit que ce n’était pas possible qu’un homme se masturbe en me regardant, car j’étais trop grosse ou trop moche.

« Je devais aller au bout »

J’ai choisi de ne pas répondre, car je trouvais ça inutile face à des gens qui ne me connaissai­ent pas et qui commentaie­nt, pour certains, sans même avoir vu la vidéo. J’ai posté quelques commentair­es en story sur mon compte Instagram. C’était une façon pour moi de riposter et de montrer ce que je subissais. J’ai essayé de relativise­r, mais, à un moment, toutes ces attaques, notamment sur mon physique, ça devenait lourd. Et, surtout, ça n’avait rien à voir avec le sujet de ma vidéo. Si on n’a pas la tête dure, on peut tomber en dépression. J’ai donc arrêté de lire les commentair­es.

Ma mère était au Sénégal quand c’est arrivé et elle était très inquiète. Elle m’a demandé d’arrêter de donner des interviews pour que le harcèlemen­t s’arrête. Je ne l’ai pas écoutée, car je voulais continuer de dénoncer ce qui m’était arrivé. Ce qui m’a motivée, c’est que j’ai reçu bien plus de messages de remercieme­nt, d’encouragem­ent et de témoignage­s de femmes qui avaient été elles aussi victimes de cet homme. Je me suis dit que je devais aller au bout : j’ai porté plainte contre lui [le 16 décembre] afin qu’il soit arrêté [ce qui a été le cas le 8 janvier].Mais je n’ai pas porté plainte contre les personnes qui m’avaient harcelée. J’ai trouvé les procédures trop longues et chères.

Au bout d’une semaine, les messages privés ont cessé. Je n’ai plus regardé les commentair­es publics sous la vidéo. »

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Safiétou a été victime de commentair­es publics comme de messages privés.

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