20 Minutes (Paris)

La mort dans «l’âme du Marais»

Société Les Mots à la bouche, librairie LGBT+, contrainte à la fermeture, est devenue le symbole d’un quartier en proie à une gentrifica­tion féroce

- Romain Lescurieux

« Ça devient l’avenue Montaigne, ici ! », claque Christophe, 59 ans, au comptoir de l’Open Café. Ce célèbre bar gay du 4e commence à faire figure de résistant. « Les boutiques gays ferment les unes après les autres, se désole Christophe. Il n’y a plus que des fringues, des chaussures. Mais le luxe n’a pas sa place dans le Marais. » Et le symbole de cette mutation du quartier est la fermeture imminente de l’unique librairie LGBT+ de France, Les Mots à la bouche. La raison : l’explosion des prix des loyers.

Une «institutio­n» fondatrice

Ces derniers mois, la mairie du 4e et la Mairie de Paris affichent leur soutien à l’établissem­ent. « Les Mots à la bouche est une librairie historique que nous voulons protéger et à laquelle nous sommes très attachés », réagit Christophe Girard, adjoint à la maire de Paris chargé de la culture. Et ce tout en cherchant des solutions face à une situation jugée « classique » par Ariel Weil. « Nous les aidons beaucoup, nous mobilisons le parc des bailleurs sociaux pour eux », précise le maire du 4e.

Fondée au début des années 1980 par Jean-Pierre Meyer-Guiton, militant du Groupe de libération homosexuel­le (GLH), Les Mots à la bouche a fait partie des « institutio­ns » fondatrice­s du Marais LGBT+, contribuan­t à faire émerger l’identité de ce quartier parisien. «Maintenant, est-ce qu’on fait bloc ou on admet que c’est fini ?, s’interroge, ému, Nicolas Wanstok, libraire depuis treize ans. En réalité, c’est déjà fini. Les autres commerces gays vont aussi se prendre une augmentati­on drastique de loyers dans les prochaines années. L’ hyper gent ri fi cation va s’ accentuer .» « C’est l’âme du Marais qui disparaît. L’ambiance, les rencontres… la vie va partir », regrette Christophe, arrivé à Paris il y a trente-six ans, année de l’ouverture de la librairie. Ce quartier m’a permis une reconnaiss­ance, de vivre plus librement. » Si cette « mort » du lieu est sur toutes les lèvres dans le quartier, elle l’est aussi sur celles des candidats aux municipale­s. Danielle Simonnet, candidate affiliée LFI, est venue, la semaine dernière, « soutenir cette librairie qui subit la spéculatio­n et la finance prédatrice dans ce quartier uniformisé ». De son côté, Julie Boillot, directrice adjointe de campagne de Benjamin Griveaux (LREM), a réagi sur Twitter à cette fermeture : « On peut multiplier les exemples. Définitive­ment, Paris a besoin d’un plan Marshall pour garder son âme. »

David Belliard, candidat EELV, martèle qu’il « faut sauver cette librairie ». « C’est un lieu d’émancipati­on pour toute une génération, dont je fais partie. Nous sommes face à la “disneyland­isation” du Marais », estime celui qui veut créer « d’autres endroits dans Paris, des zones de bienveilla­nce pour la communauté LGBT ».

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Le quartier du 4e arrondisse­ment fait face à une hausse des loyers.

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