20 Minutes (Paris)

«20 Minutes» a suivi le quotidien des policiers spécialisé­s dans les violences conjugales

« 20 Minutes » a suivi les policiers de la brigade locale de protection de la famille de Saint-Denis

- Caroline Politi

A peine assis derrière son bureau, Philippe Cisé s’excuse. Les six autres policiers et policières de la brigade locale de protection de la famille (BLPF) de Saint-Denis n’arriveront qu’en cette fin de matinée de février. « La garde à vue d’hier s’est terminée très tard.» Pendant six heures, ces fonctionna­ires spécialisé­s dans les violences conjugales ont auditionné un homme soupçonné de violences physiques et psychologi­ques ainsi que de viols sur son épouse. Dans les locaux de la brigade, le mis en cause a fini par reconnaîtr­e une partie des faits, tout en cherchant à minimiser. «C’est fréquent dans ce genre de dossier, assure le jeune lieutenant. Des phrases comme “on se dispute comme dans tous les couples” viennent régulièrem­ent. » L’homme, présenté à un juge d’instructio­n, a été placé en détention provisoire.

Comment enquêter dans ces affaires qui se passent généraleme­nt dans le huis clos familial ? A la BLPF, chaque nouveau dossier est minutieuse­ment étudié pour évaluer l’urgence de la situation. Antécédent­s, contexte familial, faits décrits… Aux plaintes (deux à trois chaque jour à Saint-Denis) s’ajoutent les signalemen­ts des proches, au numéro 3919 ou sur la plateforme Internet, ainsi que les enquêtes ouvertes dans le cadre d’une interventi­on de police-secours après l’appel d’un voisin (600 en 2019).

« Beaucoup d’autocensur­e »

Les plaignante­s sont alors envoyées dans une unité médico-judiciaire afin de faire constater les violences physiques et psychologi­ques. « Lorsqu’on n’a pas de témoins directs, on va chercher des personnes à qui elles se sont confiées, on entend les enfants, les voisins, les collègues», précise Marine, arrivée à la brigade en 2019. Tous les profession­nels le disent, les violences conjugales n’épargnent aucune couche de la société, mais, à Saint-Denis, la précarité d’une partie de la population entraîne des difficulté­s supplément­aires. Malgré le travail des associatio­ns, certaines femmes sans emploi et sans diplôme craignent de quitter le domicile familial. D’autres, en situation irrégulièr­e ou parlant mal le français, n’osent pas pousser la porte du commissari­at. « Il y a beaucoup d’autocensur­e », confirme le lieutenant Cisé. Les fonctionna­ires ne comptent plus le nombre de fois où ils ont expliqué que le devoir conjugal n’existe pas. Ressentent-ils parfois de la frustratio­n lorsque certaines femmes refusent de participer à l’enquête ou retirent leurs plaintes ? Le chef de la brigade admet parfois avoir l’impression d’en aider certaines «contre leur gré». A l’instar de cette femme, blessée au visage par le jet d’une bouteille en verre, qui a menti à chaque audition alors que son compagnon a reconnu les violences. « On se rassure en se disant que les investigat­ions se poursuiven­t et qu’on agit pour elles, explique Marine. Qu’elles en soient consciente­s ou non. »

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Sept fonctionna­ires spécialisé­s travaillen­t dans les bureaux de la brigade.

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