Les entreprises face aux doutes de leurs salariés
La crise sanitaire a atteint psychologiquement certains employés et a fait naître chez eux de nouvelles attentes
Impossible de reprendre la vie de bureau comme avant. La crise du coronavirus a bouleversé les vies personnelle et professionnelle des salariés. Et les séquelles se font déjà ressentir. « Ils se sont sentis vulnérables physiquement et psychologiquement, commente Christophe Nguyen, psychologue du travail et président du cabinet Empreinte humaine. Ils vont être marqués durablement. »
Les entreprises vont devoir prendre en compte cette situation, à l’heure même où elles veulent se remettre en ordre de bataille pour compenser les pertes pendant la période de confinement. Pour recréer une dynamique, elles tentent de faire revenir leurs équipes sur site. «Mais force est de constater qu’elles ont du mal à les convaincre, observe Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH. Car certains salariés ont du mal à s’organiser, l’école n’ayant souvent repris qu’à temps partiel pour leurs enfants. » « Des salariés craignent de s’exposer au virus, et certains se sont habitués à télétravailler », constate aussi Delphine Chaffaut, DRH du cabinet Sadec-Akelys. Ce manque d’envie de regagner le bureau peut aussi cacher une volonté de rester à distance de ses collègues pour ceux qui ne se sentaient déjà pas très à l’aise dans leur poste avant le confinement.
Si les manageurs rêvaient de fédérer leurs équipes autour d’eux rapidement, ils se rendent compte de la difficulté à y parvenir. Le confinement a parfois mis à mal l’unité d’un service. «L’esprit collectif s’est délité pendant le confinement, explique Christophe Nguyen. Beaucoup de salariés se sont sentis isolés ou estiment que leurs difficultés n’ont pas été suffisamment prises en compte par leur employeur.» Le travail à distance a aussi généré des tensions entre collaborateurs, en raison des échanges plus difficiles par écrit. Chacun a aussi eu le temps de s’interroger sur le sens de son travail, et des envies d’ailleurs sont nées chez beaucoup.
Les tumultes économiques que traversent de nombreuses entreprises compliquent la donne en interne : « Dans les entreprises en difficulté, les salariés ont peur du plan social et s’inquiètent des décisions qui seront prises à la rentrée, constate Benoît Serre. Ils vivent très mal cette incertitude, ce qui peut les démotiver.»
Pour reconstituer un collectif de travail, les manageurs auront du pain sur la planche dans les prochains mois, selon Benoît Serre : « Ils vont devoir redonner du sens au travail, simplifier l’organisation, réduire le nombre de réunions et passer d’un modèle de management fondé sur le contrôle à un autre, établi sur la confiance. »
« Les manageurs vont devoir redonner du sens au travail.» Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH