20 Minutes (Paris)

Attentats de 2015

Le seul accusé qui comparaît libre témoigne à la barre

- Caroline Politi

Il a pris l’habitude de ne jamais poser de questions. A croire Christophe Raumel, il n’a pas cherché à interroger son ami, Willy Prévost, lorsque ce dernier lui a proposé de l’accompagne­r acheter une voiture puis de faire retirer le traceur GPS d’une moto pour le compte d’Amedy Coulibaly. Il n’a fait preuve d’aucune curiosité lorsque son compère lui a demandé de stocker des couteaux et des gilets tactiques achetés à la demande du même Coulibaly. « A cette époque, je n’avais de doute sur personne, je n’étais pas dans la méfiance », explique cet homme de 30 ans à la barre de la cour d’assises spéciale qui juge les attentats de janvier 2015.

Plus de trois ans en détention

Il est le seul, parmi les 14 accusés (dont 11 sont présents), à comparaîtr­e libre, après avoir passé trois ans, trois mois et trois jours en détention. Le seul, aussi, à ne pas être renvoyé pour des faits de terrorisme. Les juges ont estimé qu’il pouvait ignorer les funestes projets du terroriste de Montrouge et de l’Hyper Cacher, mais pas que le matériel servirait à commettre un délit. Ce qu’il reconnaît d’ailleurs sans difficulté. Christophe Raumel a croisé à deux reprises Amedy Coulibaly, mais il n’a jamais échangé avec lui. Il connaissai­t, en revanche, sa réputation. « Braquage, trafic de stupéfiant­s, violent », énumère-t-il, les mains jointes devant la barre. Un portrait que lui a brossé un autre accusé, Willy Prévost. Les deux hommes se connaissen­t depuis l’enfance. «Je pensais qu’il savait [ce qu’il préparait] vu qu’il échangeait avec lui. Mais, avec du recul, je me dis que c’est pas normal qu’il sache et qu’il me mouille, quand même.» Devant le juge d’instructio­n, Christophe Raumel avait été plus affirmatif, se disant certain que Willy Prévost connaissai­t les projets de Coulibaly – ce que ce dernier a toujours nié. Ces accusation­s étaient-elles nourries par un sentiment de vengeance à l’égard de Willy Prévost, dont il a appris, en garde à vue, qu’il avait une relation avec sa compagne ?

«Il essaie de susciter la compassion, ce n’est pas quelqu’un qui changera. » L’ex-compagne de Christophe Raumel

L’image lisse qu’il a voulu donner a volé en éclats lors de l’audition de cette jeune femme. Oscillant entre larmes et colère à la barre, cette dernière a accusé Christophe Raumel d’avoir été violent à son égard et de l’avoir menacée à deux reprises avant l’ouverture du procès. Elle décrit avec virulence un homme «manipulate­ur» et «menteur». «Il essaie de susciter la compassion, estime-t-elle. Ce n’est pas quelqu’un qui changera. » Si son témoignage peut donner un nouvel éclairage sur la personnali­té de l’accusé, sur le fond, elle affirme n’avoir été au courant de rien. Christophe Raumel encourt dix ans de prison.

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Depuis lundi, la cour d’assises spéciale interroge les 11 accusés présents.

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