20 Minutes (Paris)

Ultradépri­mante, l’absence de stade pour les ultras

Avec l’instaurati­on des huis clos dans les stades français, les ultras peinent à trouver du plaisir à suivre leur équipe

- Aymeric Le Gall

«Je ne sais pas ce que je donnerais pour aller voir un PSG-Dijon par -5 °C au Parc des Princes… » La psycho-VAR est formelle : au bout du fil, Maxime, 27 ans, montre des signes évidents de déprime. Ce supporteur parisien qui rêve de se peler les miches sur le béton du virage Auteuil n’est pas maso. Non, il est juste en manque. Comme des milliers de fans dans le même cas, cela fait maintenant neuf mois qu’il est privé de sa passion à cause de la crise du Covid et des huis clos qui en ont découlé.

«Le Parc me manque énormément, souffle-t-il. Depuis que je suis à Paris, c’est devenu un rendez-vous que je ne manque sous aucun prétexte. C’est l’occasion de retrouver ses potes, de prendre l’apéro, de chanter comme un sourd. Là, ça commence à faire long…» Et encore, pour cet accro, le manque se borne à ces quelques heures qui entourent les matchs. Imaginez ce que ça doit être pour les ultras, dont la vie entière est réglée au rythme de leur club. Alexandre, le capo des Indians, à Toulouse, est de ceux-là : «Pour nous, la passion, ce n’est pas juste les weekends, c’est un mode de vie. La conception des tifos, ce sont des semaines entières de préparatio­n, il y a les déplacemen­ts, etc. Depuis quelques mois, notre vie a changé du tout au tout. »

Faire survivre son groupe

A quelques kilomètres de là, chez le rival bordelais, le constat est le même, avec un petit bémol cependant. «C’est vrai que c’est déprimant, mais ça l’est pour tout le monde en ce moment, tempère Florian Brunet, le leadeur des Ultramarin­es. On connaît tous des gens qui vivent des situations économique­s dramatique­s, donc ça pousse à être très humble par rapport à nos propres difficulté­s.» Sociologue et spécialist­e du monde des tribunes, Nicolas Hourcade comprend que ce sentiment de déprime puisse être décuplé chez certains : « On est tous plus ou moins en souffrance, en manque de liens sociaux, mais je trouve que, pour les ultras, c’est particuliè­rement fort parce que leur passion s’articule autour du partage et celle-ci ne peut se faire virtuellem­ent. Le groupe ultra permet de créer des liens sociaux forts et là, tout s’est arrêté d’un coup.» Les différents groupes essaient pourtant de maintenir un semblant de liens entre leurs membres. Mais comme le dit Florian Brunet, «on est à nouveau confinés, donc à part les réseaux sociaux et le téléphone…» D’ici là, chacun s’adapte comme il peut pour que son groupe (sur)vive. Lors du premier confinemen­t, par exemple, en marsavril, les groupes ultras de tout le pays ont profité de la mise en sommeil de leur activité principale pour donner un coup de main aux soignants, à travers la livraison de nourriture dans les hôpitaux ou les Ehpad. «Ce qui est sûr, en tous cas, embraie Florian Brunet, c’est que cette crise aura au moins permis de montrer aux gens à quel point les supporteur­s sont indispensa­bles au football et que, sans eux, ce n’est plus du tout le même sport, le même niveau, le même spectacle.»

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Cela fait maintenant neuf mois que les supporteur­s sont privés de leur passion.

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