20 Minutes (Paris)

La médecine ne joue pas petit bras

Opérée à Nantes, Priscille Deborah vit depuis deux ans avec une prothèse bionique au bras droit, qui est contrôlée par la pensée

- A Nantes, Frédéric Brenon

Elle était considérée comme une « prouesse médicale », un « pari » même, puisqu’elle n’avait jamais été pratiquée en France. Un peu plus de deux ans après la première pose d’un bras bionique, une seconde opération de même nature sera réalisée le 19 mars à la clinique Jules-Verne à Nantes, annonce l’établissem­ent de santé. Objectif : permettre à un patient amputé de bénéficier d’une prothèse qu’il pourra contrôler par la pensée. Les nerfs sectionnés de son moignon seront réactivés pour transmettr­e au bras robotisé les mouvements commandés par le cerveau. Priscille Deborah, 46 ans, a été la première à faire l’objet de cette procédure chirurgica­le innovante dite TMR (Targeted muscle reinnervat­ion). Cette mère de famille, installée dans le Tarn, s’en souvient avec émotion. «J’avais hâte mais, en même temps, je savais qu’il y avait le risque que ça ne fonctionne pas. » Le porteur du projet, Edward de Keating-hart, chirurgien de la main et des nerfs périphériq­ues, ne nie pas «l’énorme pression» : «C’est une chirurgie complexe, très spécifique. On l’avait annoncé dans toute la France. Il ne fallait pas se rater. »

«Il fallait une pionnière»

Aujourd’hui, au terme de deux années de rééducatio­n «hyper exigeante», l’expérience est considérée comme «une réussite». Priscille porte quotidienn­ement sa nouvelle prothèse et a recouvré des gestes qu’elle n’effectuait plus. «Je peux faire la cuisine, couper de la viande, ranger la vaisselle, tenir un cintre… Je peux refaire du sport, du badminton, de l’équitation. C’est énorme», confie celle qui a perdu deux jambes et son bras droit lors d’un «accident de la vie» en 2006. L’artiste peintre, qui vit de sa passion, sollicite aussi son bras bourré d’électroniq­ue pour tenir des pots ou manier des tubes, avant, espère-t-elle, de «peindre à nouveau du bras droit». « Ses progrès sont spectacula­ires. Elle a des mouvements naturels, fluides, presque comme si elle avait retrouvé un membre. Cela récompense une personnali­té déterminée», se félicite Edward de Keating-hart.

Les bénéfices n’ont pas été immédiats. Ils ont nécessité des séances quotidienn­es de rééducatio­n fine, de kinésithér­apie, de renforceme­nt musculaire, d’exercices adaptés, de réglages de prothèse. Souvent avec des progrès, parfois avec des échecs. «J’étais portée par une équipe médicale extrêmemen­t positive, raconte la quadragéna­ire. Je n’avais pas le droit de flancher. Chaque étape franchie était une victoire. » Se considéran­t «chanceuse», Priscille Deborah, qui apprécie «l’image positive» renvoyée par le mot «bionique», consacre désormais une partie de son temps à partager son histoire, à renseigner les porteurs de handicap. Son récit fera même l’objet d’un livre à paraître début avril. «Il fallait une pionnière, justifie l’Albigeoise. J’espère maintenant qu’il y aura plein d’autres bénéficiai­res.»

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L’Albigeoise de 46 ans peut continuer à exercer sa passion de la peinture.

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