Jérémie Assous, l’avocat défenseur des candidats
L’avocat Jérémie Assous a fait requalifier en contrat de travail la participation de candidats
A l’occasion des 20 ans des débuts de la téléréalité, 20 Minutes propose une série d’articles sur ce phénomène. Au début des années 2000, alors tout jeune avocat, Jérémie Assous est parvenu à faire requalifier en contrat de travail la participation de candidats de l’émission « L’Ile de la tentation », faisant plier TF1 et les grosses sociétés de production.
A l’époque, comprenez-vous tout de suite qu’il y a un problème de droit du travail avec les contrats des candidats d’une téléréalité ?
Pas du tout. Je le dois à TF1! En fait, un client [défendu dans une autre affaire] m’envoie sa compagne qui a aussi participé à « L’Ile de la tentation ». Elle souhaite empêcher la diffusion de photographies que l’on qualifiera de « nus artistiques » et que Newlook s’apprête à publier. Le problème, c’est que le contrat qu’elle avait signé avec Newlook était incompatible avec celui de TF1. Ce dernier spécifiait qu’elle ne pouvait poser que pour TF1, sous peine de 15 000 € d’amende par cliché. Je la rassure en lui disant que cela n’a aucune valeur et je demande à TF1 de le lui confirmer par écrit. Mais là, TF1 me rit au nez. Et me souhaite bon courage pour obtenir la nullité de son contrat…
Cela ne vous fait pas peur ?
Le seul moyen de rassurer ma cliente, c’est de saisir les tribunaux. Je lis le contrat de TF1 en détail. Et je n’y comprends rien. C’est illisible. Alors, je découpe et je remets tout dans le bon sens et là, c’est lumineux. Je comprends que c’est un contrat de travail avec des contraintes exorbitantes.
Mais cela suffit à caractériser le fait qu’ils travaillent ?
Le législateur définit les éléments constitutifs du contrat de travail, mais pas ce qui peut être considéré, ou non, comme une prestation de travail. La définition à retenir est celle de Karl Marx : l’important, ce n’est pas ce que vous faites, mais pour qui vous le faites. C’est amusant de gagner grâce à Marx contre TF1…
Et vous saisissez les prud’hommes…
Oui, pour moi, c’est une question de principe et de droit. Mes confrères m’avaient prévenu que je courais à l’échec. Mais, contre toute attente, je gagne. Un euro symbolique!
Que se passe-t-il alors ?
Je me présente avec une dizaine de candidats, je propose à TF1 de transiger et je réclame 10000 € par candidat. TF1 refuse et a l’excellente idée de faire appel de la première condamnation. Je gagne à nouveau. Les indemnités s’élèvent alors à 27000 € par candidat… Et en 2009, la Cour de cassation entérine définitivement la décision.
Pourquoi les productions n’ont-elles pas changé leurs contrats ?
Parce que le concept même de téléréalité est illégal. Comment voulez-vous salarier des gens 24 h/24? Comment avoir le droit de les priver de leurs libertés fondamentales ? Les productions sont prêtes à prendre le risque d’être condamnées parce que, de toute façon, leur émission leur rapporte plus.