L’appli Ikonikat scrute le regard des visiteurs
Le Louvre-Lens s’appuie sur une appli pour comprendre ce que voit le public
Le Louvre-Lens s’est associé au CNRS pour étudier votre perception de l’art. Jusqu’au 26 juin, l’exposition « Le mystère Le Nain », consacrée à trois frères peintres du XVIIe siècle, propose à 600 visiteurs représentatifs de son public de montrer sur l’appli Ikonikat ce qui attire leur regard et ce qui leur semble être saisissant dans un tableau. Cette démarche permet de mieux comprendre ce que voit vraiment le public lorsqu’il regarde une toile. « Nous fournissons une tablette à l’entrée de l’exposition à un certain nombre de personnes, explique Mathias Blanc, sociologue et coordinateur du projet. Cette tablette affiche la reproduction de l’oeuvre face à laquelle on se trouve. Il s’agit de désigner en premier lieu ce qui attire notre regard, puis ce qu’on estime être saisissant. Le dessin ainsi tracé définit ce qu’on a vu. » Les 5 et 6 mai, les chercheurs du CNRS présenteront les premiers résultats de l’analyse des tracés des 600 visiteurs de l’étude, peut-être plus si le public est nombreux.
Découverte du public
Et le résultat pourrait surprendre. En juin 2016, la centaine d’enfants qui ont utilisé l’application pour un test au Palais des beaux-arts de Lille a permis de faire une découverte : « Sur l’un des tableaux du parcours, les enfants insistaient tous sur une zone qui n’avait, à première vue, rien de particulier, explique Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens. En réalité, ils ont découvert un gros repentir [un motif initial recouvert pour la composition finale] que les historiens de l’art n’avaient jamais remarqué. » Pour compléter les données confiées par les visiteurs, des caméras scrutent leurs moindres mouvements devant Famille de paysans dans un intérieur et les autres tableaux concernés. « Ces caméras vont enregistrer les moindres gestes des spectateurs, leur amplitude et les interactions des groupes devant l’oeuvre, signale Mathias Blanc. En filmant des gens venus visiter “normalement” et des gens qui utilisent Ikonikat, on étudiera l’influence de l’application. » « Le regard du public est une source de savoir en tant que tel, estime Marie Lavandier. Une oeuvre n’a pas de mode d’emploi universel, elle évolue, s’enrichit au fil du temps et des interprétations qu’on en fait. » Le Louvre-Lens veut s’éloigner des idées préconçues sur le rapport des non-connaisseurs à l’art et les laisser s’exprimer.