« Une médecine à deux vitesses »
Le déremboursement de l’Avastin, un anti-cancéreux, indigne les malades et les praticiens
Un médicament devenu inabordable… et pourtant indispensable. Depuis janvier, environ 400 patientes atteintes du cancer du col de l’utérus ne peuvent plus suivre leur traitement. En cause : l’Avastin, le seul médicament adapté, n’est plus remboursé par la Sécurité sociale. « J’ai la mort en face de moi si je récidive », s’alarme Eléonore Piot, qui a survécu à un cancer du col de l’utérus. « En 2010, les traitements ont pris fin et, aujourd’hui, je suis déclarée guérie. » Mais si le cancer réapparaît, Eléonore Piot ne pourra pas prendre l’Avastin, seule thérapie médicamenteuse efficace contre les récidives de ce type de cancer féminin. « C’est pourtant le seul traitement médicamenteux qui prolonge la vie de ces femmes et améliore les effets de la chimiothérapie, regrette Brigitte Massicault, présidente d’Imagyn, une association de patientes touchées par les cancers gynécologiques. Si elles ne peuvent plus le prendre, on sait que la maladie va gagner dans quatre à six mois. » Bien que le traitement ne rime pas avec la guérison, il a un impact très important pour ces patientes. « C’est un peu plus de temps et d’espoir, peutêtre pour entrer dans un autre processus de soin ou pour dire adieu », assure Eléonore Piot.
Un traitement à 12 800 €
Or le traitement est particulièrement coûteux : jusqu’à 12 800 €… Seules les patientes qui ont les moyens peuvent se le procurer et, donc, se soigner. « On entre dans une médecine à deux vitesses », regrette Anne Floquet, oncologue. Autre injustice : ce traitement n’est plus remboursé pour ces patientes, mais reste couvert pour les cancers du côlon ou des ovaires. « C’est révoltant! s’emporte Eléonore Piot. D’autant plus que cela représente des économies modestes. Il ne faudrait pas que ce qui se passe pour le cancer du col s’élargisse à d’autres cancers. » Le nouveau ministère de la Santé, lui, s’est déjà saisi du dossier. « La ministre [Agnès Buzyn] est très sensible à la question de l’égal accès aux traitements et elle a demandé à ses équipes des solutions, confirme-t-on au ministère. Mais, plus largement, pour tous les traitements innovants, on réfléchit aux critères d’entrée et de sortie de la “liste en sus”, qui ne donnent pas satisfaction. » Et Eléonore Piot de plaider : « C’est urgent, parce que c’est la vie de femmes qui est au bout de ce médicament. »