La colère reste intacte
«La justice a besoin de calme », a martelé dès l’ouverture des débats le président de la cour d’assises spéciale de Paris. Un calme difficile à instaurer tant les familles des victimes sont meurtries, et leurs attentes immenses. Lundi matin, dans une salle d’audience bondée, s’est ouvert le procès d’Abdelkader Merah et de Fettah Malki. L’un est poursuivi pour complicité d’assassinats, l’autre pour recel d’armes, de munitions et de gilet pareballes. Ils encourent respectivement la perpétuité et vingt ans de réclusion. Considéré par les enquêteurs comme le « mentor idéologique » de Mohamed Merah, l’auteur des tueries de Toulouse et Montauban il y a cinq ans, Abdelkader Merah nie avoir été informé des projets mortifères de son frère. Une défense que réfute l’intégralité des parties civiles, qui voient en lui un complice dans l’assassinat de leurs proches, Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Myriam Monsonego, Jonathan, Arié et Gabriel Sandler.
Des absences remarquées
A son arrivée dans le box, Abdelkader Merah, qui arbore chemise et pantalon immaculés et porte une longue barbe, décline son identité, sa date de naissance, son ancienne profession. L’accent toulousain est prononcé, le débit rapide : « Parlez plus fort », exige le président. « Je suis au maximum », lâche l’accusé. Moins d’une heure s’est écoulée quand la mère des frères Merah, Zoulikha Aziri, est appelée à la barre par le président qui lui transmet son heure de convocation. En quittant la salle, elle adresse à son fils un baiser. Le geste interpelle Samuel Sandler, père de Jonathan Sandler et grand-père de Gabriel et Arié Sandler, tous tués parce qu’ils étaient juifs. Les insultes fusent, la mère de l’accusé explosera à l’extérieur de la salle face aux journalistes : « Mon fils n’a rien fait et il est là ! Il a rien fait ! » Plusieurs témoins, en revanche, n’ont pas fait le déplacement. C’est le cas de Bernard Squarcini, patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) au moment des faits. « J’ai une lettre », explique le président, provoquant des bruissements dans la salle. Impliqué dans une procédure lancée par Albert Chennouf (père d’Abel Chennouf) contre l’Etat et placé sous le statut de témoin assisté, Bernard Squarcini souhaite « réserver ses déclarations au juge d’instruction », et non à la cour. Inenvisageable pour les avocats des parties civiles et de la défense, qui considèrent son témoignage comme essentiel dans la compréhension du parcours djihadiste de Mohamed et d’Abdelkader Merah. « Il sera (ré)invité », a finalement tranché le président. Le procès doit se poursuivre jusqu’au 3 novembre.