Il y a encore du boulot
Alors que le scandale Harvey Weinstein délie les langues, seules trois victimes sur dix ont parlé à leur employeur d’agressions qu’elles subissaient sur leur lieu de travail.
La parole se libère peu à peu. A la suite du scandale Weinstein aux Etats-Unis, des centaines de femmes ont témoigné sur Twitter du harcèlement sexuel qu’elles ont subi (lire ci-dessous). De quoi interpeller les dirigeants d’entreprise. Car l’omerta semble encore de mise. Selon une enquête du Défenseur des droits publiée en mars 2014, 20 % des femmes actives disent avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle. Et seules 30 % en ont parlé à leur employeur.
Punir l’employeur ?
« Lorsqu’il est saisi d’un tel cas, le service des ressources humaines diligente une enquête. Il a un entretien approfondi avec la personne qui signale le harcèlement et avec la personne incriminée », explique Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Ensuite, si les faits sont avérés, « les sanctions peuvent aller de l’avertissement à la mise à pied voire jusqu’au licenciement pour cause réelle et sérieuse, poursuitelle. Le service RH peut encourager la victime à porter plainte. Il doit aussi s’assurer qu’elle bénéficie d’un accompagnement psychologique. » Reste que, sur le terrain, ces affaires ne sont pas toujours gérées de manière optimale. Selon l’enquête du Défenseur des droits, parmi les 30 % de femmes qui ont alerté leur employeur du harcèlement sexuel qu’elles ont subi, 40 % estiment que l’affaire s’est achevée à leur détriment (non-renouvellement de contrat, placardisation, blocage dans la carrière…). Pourtant, des solutions existent pour faire reculer le harcèlement sexuel dans les entreprises. Ces dernières doivent, par exemple, « spécifier dans leur règlement intérieur ce qu’est le harcèlement sexuel et comment il est sanctionné », insiste Bénédicte Ravache. « L’employeur doit aussi ouvrir différents canaux de communication permettant aux victimes de s’exprimer, en leur indiquant clairement les coordonnées du médecin du travail, une adresse mail confidentielle du service des ressources humaines, le numéro d’une plateforme d’écoutants extérieurs, etc. », énumère Anne-Cécile Mailfert. L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) plaide, elle, pour que les entreprises écopent elles-mêmes de sanctions financières plus lourdes aux prud’hommes lorsqu’elles n’ont pas gardé une salariée ayant dénoncé de tels faits. Une chose est sûre, aujourd’hui, le statu quo n’est plus possible dans les entreprises.