Le cinéma de genre espagnol n’a rien d’un mort-vivant
Le festival du cinéma de genre de Sitges vient de célébrer ses cinquante ans
Une longévité et un rayonnement dignes d’une Mostra de Venise ou d’une Berlinale. Du 5 au 15 octobre, la ville espagnole de Sitges a accueilli le Festival international du film de Catalogne qui, depuis cinquante ans, met à l’honneur le cinéma fantastique, les films d’horreur, de sciencefiction et de genre. « Sitges est très important pour le pays et le reste du monde. Il lance la carrière de nombreux films et cinéastes », souligne Jaume Balagueró, le réalisateur de [REC] qui y a présenté son premier court-métrage, puis presque tous ses films. Grâce à Sitges, Álex de la Iglesia a lui aussi pu faire voyager ses films de Bruxelles (BIFFF) à Montréal (Fantasia) en passant par la France (son dernier film, Pris au piège, a été dévoilé à L’Etrange Festival, en septembre).
Une longue tradition
Tremplin international pour les réalisateurs ibériques, le rendez-vous catalan témoigne avant tout de la considération portée au cinéma de genre dans la péninsule. En effet, ce dernier, peut, à l’inverse de la France, engranger à la fois recettes et récompenses. En 2007, L’Orphelinat, deJuan Antonio Bayona, est resté plusieurs semaines en tête du box-office, avant de décrocher sept goyas, l’équivalent des césars en France. La tradition des films fantastiques espagnols remonte aux années 1960 et à des réalisateurs comme Paul Naschy, León Klimovsky et Jesús Franco, responsable de L’Horrible Docteur Orlof ou encore Exorcismes et messes noires. « Des films bis, explique Jaume Balagueró, pas toujours très bons, mais qui versaient joyeusement dans l’horreur. » De ce côté-ci des Pyrénées, on s’interroge : pourquoi [REC] a-t-il fait plus de 500 000 entrées en France, alors que les productions d’horreur nationales peinent à dépasser les 50000? Plusieurs explications sont avancées : la langue (les acteurs parlant français, on n’y croit plus), la Nouvelle Vague et la tradition des films « intellectuels », mais aussi l’histoire récente de l’Espagne, marquée par la violence. « Mon film Balada triste évoque la guerre civile espagnole, le terrorisme au quotidien, la violence dont j’ai été témoin à 8 ans à Bilbao », confirme Álex de la Iglesia. Si l’Espagne préfère aujourd’hui les thrillers, le reste du monde, lui, ne jure que par ses cinéastes de genre, d’origine ou d’adoption. Alors que l’Argentin Andrés Muschietti explose le box-office mondial avec Ça, Mexicain Guillermo del Toro décroche le Lion d’or à Venise pour La Forme de l’eau, qui sera le 21 février dans les salles françaises.