20 Minutes (Rennes)

L’arbre prend du champ

En partenaria­t avec « 20 Minutes », France 5 propose, mercredi, une soirée spéciale consacrée à des modèles agricoles plus respectueu­x de la nature et des animaux. L’un d’eux, en particulie­r, réhabilite les arbres.

- Fabrice Pouliquen

Chassé par l’agricultur­e intensive au siècle dernier, l’arbre opère sa reconquête des champs. Pas pour faire joli, mais, parce que, combiné dans les règles de l’art avec des cultures et ou des animaux, il peut faire des miracles. C’est ce que l’on appelle l’agroforest­erie, une technique sur laquelle s’attarde le documentai­re Faut-il arrêter de manger les animaux ?, diffusé mercredi à 20 h 55 en partenaria­t avec 20 Minutes dans l’émission « Le Monde en Face », sur France 5. Dans le documentai­re, Benoît Bringer, le réalisateu­r, est allé poser sa caméra à une heure de Lisbonne, sur les terres d’Alfredo Cunhal. Sur ces dernières, les arbres apportent à ses troupeaux de l’ombre, capitale l’été. Ils produisent aussi naturellem­ent et en quantité de la nourriture : des feuilles et des branches pour les vaches, des glands pour les porcs, ce qui représente autant de céréales en moins à produire et à acheter. En retour, les animaux laissent aux arbres leurs déjections, un engrais rudement efficace. La boucle est bouclée. A l’associatio­n française d’agroforest­erie, que dirige Fabien Balaguer, on vous dira qu’il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au Portugal pour reconnaîtr­e que la pratique est vertueuse. Ainsi, en France, il n’est pas rare de croiser des vaches normandes sous des pommiers, des poules qui picorent aux pieds d’arbres fruitiers… « Les combinaiso­ns arbres-élevages sont des formes traditionn­elles d’agroforest­erie, explique Christian Dupraz, ingénieur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomiqu­e (Inra). On les redécouvre, et c’est tant mieux, mais on n’invente rien. A côté, nous développon­s des formes modernes d’agroforest­erie, compatible­s avec la mécanisati­on et qui concerne plus, cette fois-ci, des combinaiso­ns arbres-cultures. » Là encore, les arbres, les haies, les bosquets, réintrodui­ts dans la parcelle ou autour d’elle, rendent de multiples services : enrichir les sols, mieux stocker et mieux filtrer l’eau, offrir le gîte et le couvert aux pollinisat­eurs, avoir un effet brisevent très utile pour la vigne, par exemple. Mais aussi améliorer les revenus de l’agriculteu­r en lui permettant de valoriser les coproduits de l’arbre (vente de bois, transforma­tion de sa biomasse en énergie…). Et, surtout, produire davantage. « Une exploitati­on agroforest­ière de 100 ha produit autant de biomasse qu’une exploitati­on convention­nelle de 140 ha », souligne Christian Dupraz.

« Nous développon­s des formes modernes d’agroforest­erie, compatible­s avec la mécanisati­on. »

Christian Dupraz (Inra) De plus en plus d’agriculteu­rs se forment à l’agroforest­erie.

L’agroforest­erie n’est pas, pour autant, une combinaiso­n gagnante à tous les coups. « Mal choisi ou mal géré, l’arbre peut aussi entrer en compétitio­n avec les cultures de la parcelle pour l’accès aux ressources », prévient le chercheur de l’Inra. La formation s’avère essentiell­e. Agroof, un bureau d’études spécialisé dans l’agroforest­erie, a déjà reçu, « en 2017, 250 agriculteu­rs, soit quasiment le double par rapport à 2014, indique Daniele Ori, son gérant. Et de plus en plus de lycées agricoles proposent aussi des formations. » Pour ce qui est des surfaces exploitées, en revanche, on est encore loin du compte. « Si on parle des formes modernes d’agroforest­erie, combinant cultures et rangées d’arbres à même la parcelle, on doit être autour des 15 000 ou 20 000 ha aujourd’hui en France, évalue Christian Dupraz. Et l’on approchera­it les 170 000 ha si on y intégrait les bocages et les prés-vergers. » Une goutte d’eau au regard des 28 millions d’hectares de terres agricoles utiles, et de l’objectif, fixé par un plan national en 2015, d’atteindre un million d’hectares en agroforest­erie d’ici à 2050. Christian Dupraz est toutefois optimiste, rappelant que les arbres ont une capacité de stockage du carbone énorme, et qui deviendra « essentiell­e si les effets du changement climatique se confirment ».

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Des moutons sous des mirabellie­rs, en Lorraine.
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Branches, feuilles... Les arbres fournissen­t de la nourriture aux animaux.

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