20 Minutes (Rennes)

« Paris diffuse sa norme »

Le linguiste aide à mieux comprendre les subtilités régionales du français

- Propos recueillis par Claire Barrois * bit.ly/23XhATl

Vous dites « Il fait soleil » et vos amis parisiens passent leur temps à vous reprendre ? Votre français ne vaut pas pourtant moins qu’un autre. 20 Minutes a rencontré le linguiste Mathieu Avanzi, qui a publié L’Atlas du français de nos régions (éd. Armand Colin) et défend tous les parlers.

Comment avez-vous commencé à travailler sur les français de nos régions ?

Au départ, c’était un projet allemand et anglais lancé sur smartphone. Pour le mien, on a utilisé les smartphone­s et les réseaux sociaux. Quand je me suis lancé, je me disais que ce serait génial si on arrivait à avoir 1000 participan­ts. Au bout d’un mois, on en avait 12000. Les contribute­urs étaient impliqués, donc j’ai créé un blog* et une page Facebook afin de mieux échanger avec eux.

Comment choisissez-vous les participan­ts à vos enquêtes ?

J’ai mis au point un questionna­ire qui demande aux gens leur âge, où ils ont passé leur jeunesse… Je leur demande aussi de dire s’ils ont de la famille dans une autre région qui les a ouverts à un autre accent. Je vois ainsi ce qui est régional et ce qui ne l’est pas. C’est de la géographie linguistiq­ue.

Pourquoi est-il important de rendre justice aux vocabulair­es régionaux ?

Le parler régional est connoté très négativeme­nt. On dit souvent aux gens avec un accent qu’ils ne parlent pas un bon français. Mais, aujourd’hui, alors que toutes les villes se ressemblen­t, qu’on nous a privés de nos provinces, la langue est le dernier rempart pour défendre notre identité.

A Tours, on a tendance à se vanter de parler le meilleur français…

Historique­ment, Tours était tout près de l’Ile-de-France, donc la langue avait un certain prestige. Mais ils ne parlent pas un meilleur français que dans le Nord, ils parlent un français comme à Paris, qui se définit par l’absence de mots qu’on retrouve ailleurs. Paris est la capitale, qui diffuse sa norme.

Et d’où viennent les mots locaux ?

Les différence­s qu’on perçoit viennent en partie des langues et des patois locaux. Par exemple, le mot « dégun », qui vient du latin nec unum et signifie « il n’y a personne », est passé dans la langue occitane puis dans le français. Il y a d’autres différence­s liées à l’évolution de la langue. En français classique, on disait « déjeuner, dîner et souper ». Puis Paris a changé et dit « petit déjeuner, déjeuner et dîner ».

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« Les différence­s viennent en partie des patois locaux », explique l’auteur.

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