20 Minutes (Rennes)

Des espèces s’incrustent

A l’image de la crépidule, les espèces invasives sont l’un des premiers facteurs de perte de biodiversi­té dans le monde. La France commence à prendre la menace au sérieux.

- Camille Allain

On le surnomme le berlingot de mer. Coquillage comestible, la crépidule a proliféré à grande vitesse dans les années 1970, quand la France a investi dans les huîtres creuses venues d’Asie. La Bretagne et ses 2 000 kilomètres de côte ont été les premiers touchés en France. Quarante ans plus tard, le coquillage s’est démultipli­é. Au grand dam des producteur­s d’huîtres et de moules. « La capacité diminue dans la baie. On ne le voit pas trop en quantité, mais surtout en qualité. Nos moules et nos huîtres partagent les mêmes repas que la crépidule. Ça devient compliqué. » Une densité énorme

François-Joseph Pichot connaît bien le berlingot de mer. Cet ostréicult­eur de Cancale a vu le coquillage s’installer progressiv­ement dans la baie du Mont Saint-Michel. « Il y en a de plus en plus. » L’Ifremer a tenté de faire un recensemen­t, mais peine à identifier les raisons de la proliférat­ion. « C’est une espèce qui est arrivée avec les Alliés

pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais elle n’a proliféré que bien plus tard », explique Antoine Carlier, chercheur à l’Ifremer. Basé à Brest, le scientifiq­ue vient d’établir un nouvel état des lieux dans la rade. « Il y a une forte densité, parfois jusqu’à 2000 individus par m2. C’est énorme. Mais on a des endroits où il n’y en a pas une de vivante. » Pourquoi ? Le chercheur ne l’explique pas. Son équipe vient de relancer une étude sous-marine. « C’est illusoire de penser qu’on peut l’éradiquer, d’autant qu’elle n’est pas dangereuse. Elle attire une nouvelle biodiversi­té », conclut le chercheur de l’Ifremer.

Ecrevisse d’Amérique, moustique tigre, renouée du Japon… Derrière ces noms exotiques se cachent des espèces végétales et animales qui causent de gros dégâts. Professeur et coordonnat­eur de la Stratégie nationale relative à ces espèces envahissan­tes, Serge Muller rappelle que des mesures ont fini par être prises.

Qu’est-ce qu’une espèce invasive?

L’Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (UICN) donne une définition qui fait consensus. Il s’agit d’une espèce venue d’un autre pays ou d’un autre continent, introduite par l’homme volontaire­ment (parce qu’elle était belle, par exemple) ou involontai­rement (via les échanges commerciau­x internatio­naux), et qui s’adapte si bien à son nouveau milieu qu’elle y prolifère au point de menacer l’écosystème existant.

A quelles espèces pensez-vous?

On peut citer le frelon asiatique, observé pour la première fois en France en 2004 dans le Lot-et-Garonne. En outre-mer, des chats retournés à l’état sauvage déciment des population­s d’oiseaux endémiques, comme le pétrel de Barau à La Réunion.

Quelles menaces les espèces invasives font-elles peser sur la biodiversi­té?

L’UICN en parle comme de la deuxième cause de perte de biodiversi­té dans le monde, derrière la disparitio­n des habitats naturels. En France, l’impact est moindre et vient après la surexploit­ation des ressources ou les pollutions. Mais les espèces invasives peuvent avoir des conséquenc­es sanitaires. Par exemple, le contact avec la berce du Caucase provoque de graves irritation­s de la peau.

Quelles mesures ont été prises?

On prend peu à peu conscience du problème. Depuis 2016, les Etats membres de l’UE ont interdicti­on d’importer, de cultiver, de reproduire, de vendre ou de remettre dans le milieu naturel 49 espèces.

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La crépidule est comestible mais n’a pas très bonne réputation.
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Un frelon asiatique.

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