20 Minutes (Rennes)

Les objets du désir

A l’heure de la saison des brocantes, certaines personnes ont du mal à se séparer des choses « qui peuvent encore servir ».

- Delphine Bancaud

La période des vide-greniers va démarrer. L’occasion pour beaucoup de faire le tri dans leurs affaires. Le problème, c’est que si certains apprécient de se débarrasse­r du superflu, d’autres éprouvent des difficulté­s à donner ou à jeter leurs affaires inutiles. Dans Ça peut toujours servir. Pourquoi avons-nous du mal à jeter ? (Stock), qui vient de paraître, Guillemett­e Faure décortique cette dernière tendance.

Elle est parfois justifiée par des prétextes : «Nous gardons des doublons en prévision des disparitio­ns mystérieus­es», ironise l’auteure. Ou parce que l’on veut les vendre lors d’un vide-grenier ou sur un site. Ou encore par atavisme familial. « Les grandspare­nts, qui ont connu le rationneme­nt en période de guerre, ont pu transmettr­e à leurs enfants la peur de manquer, qu’eux-mêmes ont fait passer à leurs propres enfants », souligne Mélanie Fouré, psychologu­e.

Du fantasme au conflit

Mais si l’on a du mal à se débarrasse­r des choses, c’est d’abord par sentimenta­lisme. « Les objets nous rattachent aux personnes que nous aimons», poursuit la psychologu­e. «On considère que l’on garde ses proches au chaud en conservant précieusem­ent les trésors qu’ils nous offrent», abonde Guillemett­e Faure. Cependant, « le fait d’être trop attaché à ces signes du passé peut être aussi une manière de refuser le présent», avance Christine Ulivucci, psychanaly­ste transgénér­ationnelle et auteure de Psychogéné­alogie des lieux de vie (Payot). La propension à archiver reflète aussi le regard fantasmé que nous portons sur nous-mêmes, observe Guillemett­e Faure : «Détourner, récupérer, est un signe de distinctio­n sociale, une façon de ne pas succomber au jetable prêt à consommer.» Mais c’est aussi rêver la personne que nous rêvons d’être. « Pour me séparer de ces affaires, il faudrait que j’accepte de me voir comme je suis : quelqu’un qui prend du poids avec les années ou qui fait des mauvais achats », estime-t-elle.

Entasser les objets manque pourtant de sens. On peut perdre du temps à les rechercher, cela peut être une source de conflit dans un couple, et avoir un effet néfaste sur les enfants. «Le fait d’avoir trop de choses sous les yeux» les pousse «à un zapping permanent, qui les empêche d’explorer et d’exploiter ce qu’ils ont, constate Guillemett­e Faure. On croit posséder les choses, alors qu’elles nous possèdent.»

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A nos lecteurs. Votre journal s’absente quelques jours. Retrouvez-le en PDF lundi 7 et mercredi 9 mai. Et en version papier dès le lundi 14 mai. En attendant, suivez l’actualité sur tous nos supports numériques.
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Les objets peuvent nous rattacher aux êtres aimés, ou nous renvoyer une image fantasmée de nous-mêmes.

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