Arabie saoudite
« La réaction de l’Occident est inédite, mais timide »
Le forum économique de Riyad s’est ouvert ce mardi dans une ambiance particulière. En cause, le rôle trouble du prince héritier saoudien dans la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, tué dans le consulat du royaume à Istanbul. Mais les réactions de la communauté internationale ont tardé et elles sont restées mesurées. Pourquoi les nations prennent-elles des pincettes avant de critiquer l’Arabie saoudite ? 20 Minutes a interrogé Camille Lons, chercheuse spécialisée sur le golfe Persique et coordinatrice à l’EFCR, le Conseil européen des relations internationales.
Que dire des réactions des puissances occidentales après les révélations sur la mort de Jamal Khashoggi ? C’est assez inédit, mine de rien. Ce n’est pas la première fois que le prince héritier Mohammed ben Salmane est mis en cause sur les droits humains depuis un an et demi. Jusque-là, les réactions des dirigeants occidentaux étaient faibles. Cette fois, l’Allemagne a annoncé suspendre ses ventes d’armes, Berlin, Londres et Paris se sont coordonnés pour réagir. Donc la réaction de la communauté internationale à l’affaire Khashoggi est assez inédite, même si elle reste timide. Comment expliquer cette prudence ? Riyad est un partenaire économique important, dans certains secteurs et pour certains pays. Mais il ne faut pas exagérer son poids. Sur le plan commercial, l’Arabie saoudite ne représente que 1 % des exportations françaises. En revanche, c’est un partenaire important dans le domaine de l’armement : c’est notre deuxième client. Pour les Etats-Unis, 110 milliards de dollars sont en jeu avec Riyad pour des contrats d’armement. Il y a aussi la question pétrolière. L’Arabie saoudite est le premier exportateur de brut mondial.
Cette affaire peut-elle avoir des retombées diplomatiques sur le long terme ?
A mon avis, il est assez peu probable que cela marque un tournant réel. Par exemple, il est peu probable que les Occidentaux arrêtent de vendre des armes à Riyad. Il y a les effets d’annonce et la réalité. L’Allemagne a fait cette annonce importante, mais elle avait déjà annoncé cet été qu’elle stopperait ses ventes d’armes aux belligérants au Yémen, or elle a approuvé des ventes en septembre.
Propos recueillis par Laure Cometti