Le malus auto renforcé, un bonus pour la planète ?
Taxes Un vote à l’Assemblée a relancé le débat sur la fiscalité environnementale
Dans la nuit de lundi à mardi, les députés ont approuvé une mesure qui durcit le malus automobile pour les véhicules à moteur dans le projet de loi de finances pour 2019. Concrètement, les voitures qui émettent 117 g de dioxyde de carbone par kilomètre seront concernées par cette taxe additionnelle, alors que le seuil était auparavant de 120 g de dioxyde carbone par kilomètre. Des élus Les Républicains, Rassemblement national (exFN), mais aussi l’ancienne ministre socialiste Ségolène Royal, s’inquiètent d’une mesure qui rogne le pouvoir d’achat. A tort, selon deux économistes interrogés par 20 Minutes.
Une meilleure qualité de vie
Lundi, Ségolène Royal a dénoncé la fiscalité sur le carburant, estimant que Bercy « cherche à justifier un matraquage fiscal par l’écologie ». La protection de l’environnement servirait-elle d’alibi ? « En France, la fiscalité environnementale pèse à peine 2,3 % du PIB et 5 % des recettes fiscales totales, on ne peut pas vraiment parler de matraquage fiscal », réfute Gilles Rotillon, professeur émérite de sciences économiques à l’université Paris Nanterre et spécialiste des questions de développement durable. L’argument du pouvoir d’achat est à double tranchant, selon Gilles Rotillon. « Dans l’opinion publique, les taxes supplémentaires sont spontanément perçues comme une baisse du pouvoir d’achat. (...) Vous pouvez acheter moins de télés ou de voitures, mais vous gagnez un air plus respirable, des ressources naturelles plus propres et donc une meilleure santé. En somme, une qualité de vie meilleure », explique le spécialiste. « La vraie difficulté, concède Gilles Rotillon, c’est que les plus touchés par les hausses d’impôts sont ceux qui ont un faible pouvoir d’achat. Il faut donc des compensations immédiates pour ces foyers, en chèques énergie, en réductions d’impôts… » L’économiste préconise aussi de s’attaquer aux exonérations dont certaines industries polluantes bénéficient, dans l’aviation et le transport routier notamment. « Augmenter le prix des activités polluantes, ça marche », résume Christian Gollier, directeur de la Toulouse School of Economics et coauteur des 4e et 5e rapports du GIEC. « Pour qu’une taxe additionnelle ait un effet, il ne faut pas qu’elle soit trop faible, sinon les gens s’adaptent », complète Gilles Rotillon. « Les contribuables accepteraient peut-être plus facilement ces nouvelles taxes environnementales s’ils savaient qu’elles financent la protection de l’environnement », avance-t-il. Christian Gollier, de son côté, souligne que « le manque de pédagogie de la part du gouvernement » est le principal frein à une fiscalité environnementale plus ambitieuse. Laure Cometti