Un vrai contre-la-montre
En sport, l’évolution des températures va obliger les disciplines à se réinventer, ou au moins à s’adapter
Des températures s’élevant jusqu’à 40 °C ont étouffé Tokyo cet été, et, de passage dans la ville hôte des JO 2020, le président du CIO Thomas Bach s’est ému de la dangerosité de courir un marathon dans de telles conditions. Le sport n’échappera pas au réchauffement climatique. « Pendant les 30 à 50 prochaines années, la question sera : “Est-ce que les adaptations que le sport sera capable de faire seront aussi rapides que l’augmentation de la température du globe ?” indique Cyril Schmit, chercheur qui a étudié les problématiques de l’effort sous la chaleur. La réponse est “oui” sur le court terme. Mais à l’échelle de générations, ça va prendre plus de temps. Il faudra mettre en place d’autres systèmes pour accompagner la performance. »
En 2085, il n’y aurait plus, sur Terre, qu’une trentaine de villes en mesure d’organiser les JO.
Cyril Schmit voit trois axes pour cet accompagnement : « L’acclimatation du corps, son refroidissement et la programmation des compétitions ». Il est inévitable, ainsi, que l’Open d’Australie n’ouvre plus la saison de tennis en plein coeur de l’été austral. Il n’est pas impensable, non plus, qu’un Mondial de foot en hiver (comme ce sera le cas au Qatar en 2022) devienne la norme. Et il n’est pas dingue d’imaginer la réduction des durées de matchs, l’allongement de celles des mi-temps ou la mort de certains événements. Une étude américaine publiée en 2016 assurait qu’autour de 2085 il n’y aurait plus, sur Terre, qu’une trentaine de villes en mesure d’organiser les JO. « On pourrait organiser l’intégralité des Jeux de nuit et en intérieur, mais ça ne sera pas les JO que l’on connaît aujourd’hui », résumait Kirk Smith, un des directeurs de l’étude.
Le sport en intérieur et climatisé existe déjà. Une aberration écologique qui pourrait devenir le recours universel. «C’est tout le paradoxe humain, pas que celui du sport, souffle Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche médicale et d’épidémiologie du sport. On contribue à accélérer les conditions du déclin.» L’organisation des JO de Tokyo a dévoilé que l’installation de brumisateurs mobiles ou le recouvrement des routes avec de la peinture antichaleur allaient peser sur le budget. « La déstabilisation économique est plus rapide, et c’est sans doute par ce biais-là qu’on risque de voir des changements, conclut Jean-François Toussaint. Et souvent, ce sont les plus fragiles qui partent les premiers. Le sport amateur risque de devoir mettre la clé sous la porte avant même le milieu du siècle. »