20 Minutes (Rennes)

Jaha Dukureh

La militante dénonce le mariage précoce et l’excision

- Propos recueillis par Oihana Gabriel

On sent, dans ses silences et son regard intense, que parler n’a rien d’évident. Mais Jaha Dukureh n’a pas fini de lutter. A l’occasion, ce jeudi, de la Journée internatio­nale de la tolérance zéro à l’égard des mutilation­s génitales féminines (MGF, en anglais FGM), la Gambienne lance une campagne avec le hashtag #EndFGM. De passage à Paris, la créatrice de Safe Hands for Girls a dévoilé à 20 Minutes ses espoirs.

Vous avez été victime de mutilation génitale féminine en Gambie, alors que vous étiez âgée d’une semaine…

Et mariée à 15 ans avec un homme que je n’avais jamais rencontré. Dès mes 8 ans, je savais que j’étais mariée à un inconnu. Et quand ma mère est morte, ma famille m’a envoyée à New York pour vivre avec lui. A 14 ans, j’avais un amoureux et quand ma mère l’a su, elle est venue à l’école pour prévenir que j’étais déjà mariée ! Ce fut le moment le plus gênant de toute ma vie.

Vous avez réussi à sortir de cet enfer et à reprendre votre scolarité…

Le seul moyen d’être indépendan­te, c’était les études. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont aidée, comme Taina Bien-Aimé, d’Equality now, une des premières ONG à lutter contre l’excision. C’est grâce à elle que je suis vivante.

En quoi la question des mutilation­s génitales féminines est-elle liée au mariage précoce ?

Par la question du consenteme­nt. Un enfant ne peut consentir à ce qu’on lui coupe un bout de son corps, comme il ne peut consentir à avoir des relations sexuelles avec un adulte. Quand vous célébrez le mariage forcé d’une mineure, vous autorisez le viol d’un enfant chaque jour.

Pourquoi les parents perpétuent-ils cette pratique ?

J’ai découvert que la raison, c’est la pauvreté. Une femme m’a dit : « Quand on a de l’argent, on a le choix. » La seconde raison profonde, c’est le patriarcat. Certains ont l’illusion que le corps des femmes devrait être contrôlé.

Quand avez-vous décidé de faire de cette cause votre combat ?

Quand j’ai eu ma fille, j’ai su que je voulais une vie meilleure pour elle que la mienne. Il fallait que je dise clairement à ma famille que j’étais opposée aux MGF. Quand j’ai commencé à écrire sur mon blog, j’ai réalisé qu’il y avait des millions de filles comme la mienne. Il y a 68 000 femmes qui subissent des mariages précoces chaque année et 200 millions vivent avec les conséquenc­es des MGF aujourd’hui.

En quoi consiste la campagne #EndFGM ?

Pour changer les choses, il faut de l’argent. Nous allons faire une campagne vidéo avec deux artistes qui ont beaucoup modifié leur corps. Notre espoir, c’est qu’en voyant, de façon un peu choquante, ces corps, on comprenne que ces femmes ont choisi ces transforma­tions, et que les femmes excisées, non.

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Jaha Dukureh dénonce l’excision et le mariage précoce avec son associatio­n.

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