La loi Egalim a-t-elle amélioré le sort des agriculteurs?
La loi Egalim était censée insuffler plus d’éthique entre grande distribution et industriels
De quelles annonces accouchera le Salon de l’agriculture, qui ouvre samedi à Paris (15e) ? Tout autant que les propos d’Emmanuel Macron, qui s’y rendra pour l’ouverture, les annonces que pourraient faire la grande distribution et les industries agroalimentaires seront scrutées de près. Avec en filigrane une question : esprit de la loi Egalim, es-tu là ? Promulguée le 1er novembre 2018, cette loi vise à instaurer une plus juste rémunération des agriculteurs. Distributeurs et industriels doivent boucler leurs négociations d’ici le 1er mars, jour de clôture du Salon de l’agriculture. En 2019, Lidl avait choisi cette grand-messe agricole pour annoncer l’accord passé avec la coopérative laitière Sodiaal, revalorisant le prix du lait payé aux producteurs.
Des baisses de revenus
Impact déjà constaté de la loi Egalim : une légère augmentation des prix dans les rayons, « loin de l’envolée des prix que disait craindre Edouard Leclerc », tacle Patrick Benezit, secrétaire adjoint de la FNSEA, premier syndicat agricole. « Dans son bilan 2019 publié lundi, la société d’études IRI évoque une inflation de 0,9 % sur les produits de grande consommation et les produits frais en libre-service, détaille Richard Panquiault, directeur général de l’Institut de liaisons et d’études des industries de consommation. Sur les produits alimentaires, l’inflation serait plutôt de 1,2 %. » Cette légère hausse intervient après environ cinq années de baisse continue des prix en rayon. Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du commerce et de la distribution, y voit une bonne nouvelle, « cette inflation étant la conséquence d’une augmentation des prix payés aux industriels en 2019, notamment sur le lait et le porc ». Le discours est autre du côté des syndicats agricoles. «Nous estimons que cette inflation de 0,9% a permis de dégager 700 millions d’euros de valeur supplémentaire en 2019, lance Patrick Benezit. Nous voulons en voir la couleur.» Les produits laitiers seraient l’arbre qui cache la forêt, car, dans d’autres filières agricoles, les prix d’achat aux industriels auraient globalement baissé.
Par ricochet, les revenus de certains agriculteurs ont baissé. « En 2019, j’ai été payé autour de 3,60 € le kilo de carcasse, contre 3,85 € en 2018 », indique Alexandre Armel, éleveur dans l’Allier et responsable de la section viande au syndicat agricole Coordination rurale. Il déplore des contrats passés entre distributeurs et industriels toujours aussi éloignés des coûts de production des agriculteurs.
C’est pourtant la volonté affichée par le gouvernement avec cette loi Egalim : l’inversion de la construction du prix, en partant non plus de celui du marché, mais des coûts de production des agriculteurs. « C’est sur ce point que l’interprofession laitière a pris de l’avance sur les autres ces trois dernières années, juge Richard Panquiault. Elle peut déjà s’appuyer sur des indicateurs plus robustes dans la construction des prix. » Aux autres filières d’en prendre de la graine ? C’est ce qui rend ces derniers jours de négociations commerciale intéressants.