20 Minutes (Rennes)

« On nous a traitées de menteuses »

Victimes d’un pédophile, deux soeurs expriment leur indignatio­n face au laxisme de la justice qui a duré des années

- Camille Allain

La première alerte connue date des années 1990. La fille de Jean-Luc Merienne dépose plainte contre son père pour agression sexuelle. Sans suite. En 1992, une amie fait de même. Sans suite. En 1997, Pauline, 12 ans à l’époque, et sa soeur Laura, 9 ans (les prénoms des victimes ont été modifiés), dénoncent les mêmes faits. Sans suite. « On nous a traitées de menteuses parce que la justice ne nous a pas crues », résume Pauline. Pendant vingt-sept ans, l’homme qui était leur voisin dans le quartier AlphonseGu­érin, à Rennes, a agressé et violé des enfants. Ses filles, mais aussi leurs amies et des voisines. Interpellé en 2015 après une énième plainte d’un jeune garçon, JeanLuc Merienne a été condamné en décembre 2019 à dix-neuf ans de réclusion par la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine pour cinq viols et treize agressions sexuelles commis sur 14 enfants, dont ses deux filles. La justice a ordonné l’indemnisat­ion des victimes le 31 août. Des dommages et intérêts qui n’effaceront pas les blessures ni l’amertume. Vingt-trois ans après avoir dénoncé les agissement­s de son voisin sur sa soeur, Pauline accepte de témoigner : « Ma soeur et moi, on a vécu à côté de notre agresseur pendant des années car mes parents n’avaient pas les moyens de déménager. Sa femme n’arrêtait pas de nous menacer. On a été traitées de menteuses par nos copines, par nos voisins », témoigne celle qui est aujourd’hui âgée de 35 ans. Invitée à témoigner aux assises, la femme du maçon de 59 ans avait continué de défendre son mari. Dans cette maison de l’horreur, dans le garage tout proche ou dans son nouveau logement à Guichen, ce dernier a pourtant perpétré des atrocités. Il avait toujours nié les faits, avant de tout avouer lors du procès.

«Aurait-il fallu se taire?»

Les plaintes ont continué de tomber sans que l’homme ne soit inquiété. En 2007, il a écopé de deux ans et demi de prison pour une agression sexuelle sur mineur. La justice omettra de fouiller le passé de l’agresseur et ne jugera qu’une affaire. « Qu’est-ce la justice a fait pour nous protéger de cet homme ? Aurait-il fallu que je me taise pour avoir une enfance?», demande Laura. Libéré, son agresseur a recommencé pendant des années. Traumatisé­e, Laura a dû quitter la région. Elle revient parfois à Rennes, mais refuse d’y dormir. « Quand j’y repense, je me doutais qu’on n’allait pas nous croire. C’était monsieur Tout le Monde, il paraissait sympathiqu­e, souriant. Mais c’est un monstre, un malade mental », lâche sa soeur. Si elle a accepté de s’exprimer, c’est pour inviter les victimes à témoigner. Mais surtout pour demander à la justice de les écouter. « Ça me fait mal de voir qu’il y a encore des victimes et que la justice ne fait rien. Il faut réagir, ne pas être laxiste. »

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Pauline, 12 ans à l’époque, avait dénoncé son agresseur. Sans suite.

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