Des gradés de St-Cyr jugés après le drame d’un bizutage
Sept militaires de Saint-Cyr comparaissent en correctionnelle à la suite de la noyade d’un élève de l’école, survenue en 2012
Reporté à plusieurs reprises en raison de la faillite d’un avocat, des absences des officiers censés comparaître, puis de la crise sanitaire, le procès de sept militaires de la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr Coëtquidan va enfin pouvoir se tenir à partir de ce lundi. Ils seront jugés pour homicide involontaire, huit ans après la noyade de Jallal Hami. Ce soir-là, un atelier nocturne de franchissement d’un étang, dans une eau à 9 °C avait coûté la vie à ce jeune élève officier de 24 ans. Parmi les militaires qui comparaissent, qu’ils soient organisateurs de l’activité ou membres de la hiérarchie, peu d’entre eux reconnaissent avoir une part de responsabilité dans la noyade de Jallal Hami. « Cette activité était hors contrôle, hors règlement, rappelle Jean-Guillaume Le Mintier, avocat de la famille du défunt. L’enquête a prouvé que cette traversée était délibérément dangereuse et qu’elle n’aurait pas dû avoir lieu.»
Bizutage ou bahutage?
Alors qu’ils traversaient l’étang avec une tenue de cinq kilos, encouragés par les organisateurs, plusieurs «bizuts» avaient été pris de panique quand ils n’ont plus eu pied. Ce qui a coûté la vie à Jallal Hami, d’ailleurs pas réputé pour être un bon nageur. « Jallal a été abandonné dans une eau glacée », résume l’avocat.
Lors des interrogatoires menés par les enquêteurs, des participants avaient déclaré «avoir cru mourir». Et même si, pendant le mouvement de panique, les bouées lancées et l’intervention d’hommes en combinaison avaient sans doute permis de sauver des vies, ça n’a pas suffi pour Jallal Hami. D’autant que les organisateurs ont mis une heure à signaler sa disparition.
« Ce n’est absolument pas du bizutage», martèle Thierry Fillion, avocat de Marc Assier de Pompignan, élève de deuxième année qui supervisait l’organisation du bahutage. Cet officier est le seul des six prévenus à reconnaître une part de responsabilité dans la mort de Jallal Hami. « Il n’avait pas conscience que cette épreuve pouvait présenter un risque de mort, estime Me Thierry Fillion. Il reconnaît avoir eu tort de ne pas stopper l’exercice. Il y avait une forme de virilité triomphante, d’émulation collective qui l’en a empêché.»
Lorsque les premiers élèves avaient traversé les 43 m de l’étang, plusieurs avaient été en grande difficulté, mais les organisateurs avaient tout de même décidé de poursuivre l’activité. Une nage nocturne par cette température est pourtant interdite dans la formation militaire.
Les gradés censés encadrer les élèves auraient-ils pu l’empêcher ? Eux assurent qu’ils n’étaient pas au courant, ce que contestent la famille de la victime et les élèves de deuxième année. « Ils considèrent que cet exercice leur a été caché. On peut en douter », estime Me Thierry Fillion. Ce sera à la justice de trancher.