20 Minutes (Rennes)

Mondial au Qatar

Les Bleus pas à l’aise sur le terrain des droits humains

- Aymeric Le Gall

«Tout le monde a ses droits.» On n’a pas pu s’empêcher de tiquer en comparant les propos de Lucas Hernandez au sujet des droits humains au Qatar à ceux de ses homologues norvégiens, allemands ou néerlandai­s. Le tout faisant suite à l’enquête du Guardian qui révélait la mort de plus de 6500 ouvriers sur les chantiers liés au Mondial 2022. Quand le Néerlandai­s De Ligt expliquait qu’il ne pouvait être «insensible» au sort des ouvriers, le défenseur tricolore assurait, après le nul face à l’Ukraine, que « tout va être parfait [à la Coupe du monde au Qatar]. Je ne sais pas dans quelles conditions ils [les ouvriers] travaillen­t. Je ne veux pas entrer là-dedans.» Les Bleus ont-ils été briefés sur les réponses à donner sur le sujet du Qatar ?

« On sent qu’il n’y a pas eu de conseiller en com qui est passé pour signifier à Lucas Hernandez ce qu’il avait à dire, observe Jean-Baptiste Guégan, spécialist­e en géopolitiq­ue du sport. Sa réponse est lunaire, mais on ne peut pas reprocher à des sportifs qui ont arrêté leurs études tôt de ne pas prendre fait et cause pour un sujet qu’ils ne maîtrisent pas.» De son côté, la FFF assure qu’aucune consigne n’a été donnée aux joueurs pour ne pas s’exprimer sur le Qatar.

Sortir de sa zone de confort

Sherpa, elle, voit d’un bon oeil ce réveil de certaines sélections. «Nous dénonçons cette situation depuis des années par la voie judiciaire, témoigne une membre de l’associatio­n chargée de la protection et de la défense des population­s victimes de crimes économique­s. Nous nous réjouisson­s qu’elle ait trouvé un écho médiatique depuis le lancement de la compétitio­n.» Pour autant, récemment, des joueurs de l’équipe de France ont prouvé qu’ils savaient s’exprimer sur le terrain politique. Ainsi, Antoine Griezmann a cassé son contrat avec Huawei afin de protester contre les traitement­s réservés par le régime chinois à la communauté ouïgoure.

«A mon sens, c’est aussi et surtout aux instances du football de mener des actions collective­s au sujet du Qatar», assure l’ex-Tricolore Dominique Rocheteau, qui a vécu l’arrivée au pouvoir de la junte militaire en Argentine, lors du Mondial 1978. On avait été vachement sollicités à l’époque. J’étais contre le boycott, mais je tenais à ce que, une fois sur place, on agisse d’une manière ou d’une autre pour dire notre opposition au régime en place.» Il fut alors question de porter un brassard noir lors du match face aux Argentins, mais peu de joueurs français s’étaient montrés emballés par l’idée.

« De marquer le coup, ça ne fait pas de mal, assure l’ex-internatio­nal Olivier Rouyer, aussi du voyage en 1978. Mais la question de la maîtrise de toutes les données est primordial­e. En Argentine, on savait qu’il y avait des problèmes avec la junte, mais je ne connaissai­s pas le dossier, c’était compliqué de s’exprimer. » Les époques changent, les problémati­ques restent.

 ??  ?? Le latéral tricolore Lucas Hernandez ne veut «pas entrer là-dedans».
Le latéral tricolore Lucas Hernandez ne veut «pas entrer là-dedans».

Newspapers in French

Newspapers from France