20 Minutes (Rennes)

Nouria Newman n’a jamais eu peur des grosses chutes

Après une carrière de slalomeuse, qui a failli la mener aux JO, Nouria Newman s’épanouit dans le kayak freeride, l’esprit libre et bien loin des compétitio­ns

- A Lyon, Jérémy Laugier

« Ça va vite, tu glisses, tu es tranquille, c’est super. » Dans une amusante archive INA de 2004, on découvre une enfant de 12 ans ravie de participer, au milieu des adultes, au premier rassemblem­ent de kayak freestyle d’« Hawaïsur-Rhône ». A savoir une impression­nante vague située au nord-est de Lyon. « Elle allait déjà au charbon avec une volonté étonnante, se souvient David Arnaud, ex-kayakiste pro. Cette vague était hyper intimidant­e pour tout le monde. Mais, elle, elle n’avait pas vraiment d’appréhensi­on. »

Elle, c’est Nouria Newman et, dixsept ans plus tard, David Arnaud est le réalisateu­r du dernier projet vidéo de cette athlète Red Bull, une session vertigineu­se de kayak extrême en Islande, mise en ligne le 25 mars. Durant vingt minutes, on la voit dompter des chutes de 12 à 22 m, dans des conditions climatique­s dantesques. « Le mot extrême n’est pas là pour rien quand on voit les prises de risques de Nouria, c’est dans son ADN », indique Anthony Colin, son coach durant dix ans au club de La Plagne.

La connexion entre la native de Chambéry (Savoie) et le kayak commence à l’âge de 5 ans. « Toute petite, je me souviens que j’avais l’impression d’avoir affaire à un gros jouet, une sorte de Playmobil géant », sourit-elle. Au collège, l’adolescent­e est une sportive tellement complète qu’elle fait partie des meilleurs skieuses en slalom de Haute-Tarentaise, tout en devenant championne de France UNSS de crosscount­ry. Mais c’est le pôle France de kayak que la jeune Savoyarde intègre, en parallèle d’études en sciences politiques, avant de rejoindre l’équipe de France senior, en 2010. Déjà championne du monde junior en kayak freestyle en 2009, Nouria Newman approche la consécrati­on en 2013, à tout juste 22 ans, en étant vice-championne du monde en slalom. Les J0 de Rio en 2016 semblent lui tendre les bras.

Une grosse blessure à l’épaule en 2015, ainsi que des résultats plus décevants, la privent de Jeux et la poussent à remettre en question ses ambitions. « En 2013, je pensais que voir un monsieur en costard me passer une médaille autour du cou allait changer ma vie, confie-t-elle. Mais rien n’a changé, et ça ne me convenait plus d’avoir un planning dicté par les étapes de Coupe du monde et les stages. » Ses titres de championne du monde sont finalement obtenus en kayak extrême. Et, même là, l’intéressée a une mémoire très floue des années (2013 et 2017) de ces deux sacres. Car ils n’ont pas une si grande significat­ion que cela : « Dans mes plus grandes fiertés, il n’y a jamais de compétitio­n. Ça serait hors de question pour moi d’échanger ce que je fais en ce moment contre une place aux Jeux olympiques de Tokyo. Je suis bien plus épanouie en faisant du kayak de haute rivière que je ne l’étais en équipe de France. »

La récente aventure islandaise permet au grand public de découvrir le travail de recherches de la Savoyarde en amont des descentes. Comment la kayakiste peutelle vraiment maîtriser les périlleuse­s deux secondes d’une chute d’une vingtaine de mètres ? « Les gens ont l’impression qu’on se balance dans les rapides comme ça, comme si on était dans un tonneau, explique Nouria Newman. Mais, on n’est pas fous, on essaie de trouver la bonne ligne. La partie technique pour savoir quel appui mettre à tel moment, ça me plaît beaucoup plus que l’adrénaline d’une chute. » Aussi étonnant que cela puisse paraître, elle s’est davantage blessée durant sa vie de slalomeuse que de freerideus­e.

« On a un sport qui pardonne beaucoup, jusqu’au moment où il ne pardonne plus, estime l’intéressée. On se blesse très peu, mais il peut y avoir directemen­t une sanction bien plus grave, avec un risque de mort. » A l’image de sa très grosse frayeur en Inde, lors d’une expédition en solitaire sur trois rivières au Ladakh, qui a failli lui être fatale en 2018, Nouria Newman a appris à vivre avec ce risque ultime : « C’est sûr qu’il vaut mieux ne pas être seule, car c’est une discipline dans laquelle on assure la sécurité des uns et des autres. Mais on a parfois envie d’être face à soi-même, à ses peurs. Si on devait toujours faire ce qui est recommandé, je ne sais pas si on ferait grandchose, et c’est encore plus vrai en ce moment. »

« Dans mes plus grandes fiertés, il n’y a jamais de compétitio­n. » Nouria Newman

« Il peut y avoir une sanction bien plus grave, avec un risque de mort. » Nouria Newman

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 ??  ?? Nouria Newman en pleine action dans une cascade de la rivère Wind, aux Etats-Unis. La kayakiste peut faire des chutes d’une vingtaine de mètres.
Nouria Newman en pleine action dans une cascade de la rivère Wind, aux Etats-Unis. La kayakiste peut faire des chutes d’une vingtaine de mètres.
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