20 Minutes (Rennes)

Tahar Rahim a voulu «explorer le mal dans un personnage» avec la série Le Serpent

Tahar Rahim, acteur et interprète d’un tueur en série sur Netflix Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société

- Propos recueillis par Anne Demoulin

« A mon arrivée sur le plateau, les gens baissaient le ton. »

« Dans une langue étrangère, on redécouvre le jeu. »

Il est ce Frenchy dont le nom est sur toutes les lèvres. Tahar Rahim crève l’écran dans Le Serpent, minisérie disponible ce vendredi sur Netflix. L’acteur raconte à 20 Minutes comment il s’est glissé dans la peau de l’insaisissa­ble et venimeux tueur en série français Charles Sobhraj, qui a sévi à Bangkok dans les années 1970.

Vous aviez envie de jouer Charles Sobhraj depuis longtemps…

A 15 ou 16 ans, je rêve déjà d’être acteur. Je vois sur la table de chevet de mon frère ce bouquin, La Trace du serpent, de Thomas Thompson. Je le lis très vite. Il m’apparaît en images comme dans un film. Je ne me rends pas compte de toute l’horreur que cela implique, je vois l’escroc qui s’échappe de prison. Je ne m’identifie pas, mais je fantasme sur l’idée de le jouer. En 2001, William Friedkin et Benicio del Toro veulent en faire un film. Mais le projet ne se fait pas. Je n’ai jamais pu oublier cette histoire folle, horrible et surprenant­e et, vingt ans plus tard, on me propose de le jouer. J’ai toujours voulu explorer le mal dans un personnage, savoir si j’en étais capable.

Comment aborde-t-on un rôle de sociopathe ?

Je n’ai tellement rien à voir avec lui qu’il m’a été très difficile de pouvoir l’interpréte­r! J’ai dû le construire de l’extérieur : trouver son look, sa posture, son phrasé, sa manière de se déplacer. Il se joue de la vie, de la mort des gens. Il joue à être Dieu. C’est lourd. Il m’a fallu deux semaines pour vraiment le tenir.

Votre jeu est très contenu, mais la menace plane à chacune de vos apparition­s…

J’ai vraiment eu besoin de me concentrer. Ce n’était pas facile de s’isoler sur le plateau. Mes partenaire­s de jeu venaient me parler et cela me perturbait. J’ai décidé de ne jamais leur parler, ni de leur répondre sur le plateau, pendant environ deux semaines. Ce n’était pas agréable. Mais cela a créé une espèce d’ambiance étrange. A chaque fois que j’arrivais sur le plateau, ils baissaient le ton, me regardaien­t sans me regarder. Cela a fini par exister à l’image.

Avez-vous songé à rencontrer Charles Sobhraj ?

Comme je le fais toujours quand j’interprète quelqu’un qui est vivant. Je voulais voir comment il allait tenter de me manipuler. J’ai renoncé, par éthique. Par respect aussi pour les victimes et leur famille, et parce que toutes les conversati­ons avec Charles Sobhraj sont monnayable­s. Je n’allais pas payer un criminel!

Vous vous sentez plus libre de jouer en anglais ?

Quand on joue dans une langue étrangère, on a l’impression de redevenir vierge. Les mots français, on les a tordus et explorés dans tous les sens, encore plus quand on est acteur. Là, tout est neuf. On redécouvre le jeu. Quand on parle une langue étrangère qui a une autre fréquence, les muscles, le visage, le corps bougent différemme­nt… Et le reste suit.

Après The Eagle, en 2011, vous n’étiez pas prêt à vous lancer dans une carrière internatio­nale. Etes-vous désormais prêt ?

Je me sens plus consolidé, plus en accord avec moi-même. Ça n’est plus un problème. J’avais la crainte d’avoir la grosse tête. Je n’avais pas imaginé un autre travers : se surprotége­r. Je n’ai pas profité pleinement de ce qui m’arrivait. Cela fait douze ans que je fais ce métier, j’ai aussi douze ans d’expérience de vie en plus, et je suis devenu papa. Ça change beaucoup de choses. Maintenant, je relativise.

Cela reste un travail. Cela ne doit pas être une source d’angoisse qui m’empêche d’être dans le moment présent. A chaque rôle, vous repoussez vos limites et on vous compare à Robert De Niro…

Cela me fait rougir. Le jour où j’arriverai à avoir ne serait-ce qu’un tiers de sa carrière, je serai l’homme le plus heureux du monde. Tous les acteurs des années 1970 sont des modèles de jeu très forts pour moi. Ils ont impulsé des codes de jeu encore inchangés. Leurs méthodes et leurs codes me correspond­ent. C’est le cinéma qui m’a le plus inspiré.

 ??  ??
 ??  ?? Tahar Rahim livre une véritable performanc­e en interpréta­nt le tueur français Charles Sobhraj dans Le Serpent, série de Netflix disponible dès ce vendredi.
Tahar Rahim livre une véritable performanc­e en interpréta­nt le tueur français Charles Sobhraj dans Le Serpent, série de Netflix disponible dès ce vendredi.

Newspapers in French

Newspapers from France