L’enjeu abstention
Les élections régionales et départementales, dont le 1er tour aura lieu dimanche, pourraient être marquées par une forte désaffection des urnes.
Cette élection régionale en Bretagne s’annonce passionnante. Et non, ce n’est pas une blague. Plus indécis qu’un France-Allemagne à l’Euro, le scrutin qui s’ouvre dimanche offre une multitude de scénarios qu’aucun des acteurs principaux ne maîtrise. La raison ? L’absence notable du baron local, Jean-Yves Le Drian. Un événement qui ne s’était pas produit depuis 1992, quand ce dernier était secrétaire d’État à la Mer sous François Mitterrand. Une autre époque. Facilement réélu en 2015, Jean-Yves Le Drian avait laissé son fauteuil à son dauphin, Loïg Chesnais-Girard, deux ans plus tard. S’il part plutôt favori, le président sortant souffre d’un manque de notoriété. Gagnée en 2004 par Le Drian, la Bretagne peutelle échapper aux mains de la gauche ? Pas impossible.
La pièce se jouera en deux actes, mais on sait déjà que l’entracte sera animé. Dimanche soir, le premier tour des élections régionales pourrait accoucher d’une quadrangulaire, voire d’une quinquangulaire (cinq listes qualifiées) tant le paysage politique est morcelé. D’après les sondages, la division profiterait au Rassemblement national, donné à 20 % le soir du premier tour. Le parti de Marine Le Pen peut-il l’emporter ? « Je pense que nous arriverons largement en tête dimanche, estime le candidat RN Gilles Pennelle. Cela va créer un espoir et je suis persuadé que nous pouvons gagner.» Des propos nuancés par le politologue Romain Pasquier. « Je ne le vois pas gagner, car il n’a pas d’alliés en vue du second tour. S’il y a des alliances, il sera sans doute battu.»
« La fin d’un cycle »
La question est de savoir quelle alliance pourra se nouer dimanche soir. Dans une interview mitraillette dégainée dimanche dans Ouest-France, JeanYves Le Drian a exhorté Loïg ChesnaisGirard (PS) et Thierry Burlot (LREM) à fusionner pour faire barrage au Rassemblement national. Et à ne surtout pas faire de pacte avec la liste écologiste de Claire Desmares-Poirrier. Les deux sondages réalisés dans la région sont pourtant catégoriques : seule l’alliance entre le président sortant et les Verts est assurée de l’emporter. Tous les autres scénarios s’annoncent indécis. « La gauche reste majoritaire dans la région, mais l’éparpillement politique présente un vrai danger pour elle », analyse le politologue, qui pointe « l’absence de leadership » : « C’est comme la fin d’un cycle. » Ce contexte inédit laisse place à l’espoir chez tous les candidats. « L’absence de Jean-Yves Le Drian est une chance pour nous, estime Isabelle Le Callennec [LR]. La Bretagne est dirigée depuis de nombreuses années par la gauche et elle a besoin d’un nouveau souffle. Et c’est la droite républicaine qui porte cet élan.» La candidate Les républicains semble pourtant en retrait dans cette campagne et craint une forte abstention : « Cela risque de profiter aux extrêmes.» L’issue du scrutin pourrait se jouer autour du mariage, ou non, entre Loïg Chesnais-Girard et Thierry Burlot. Deux hommes qui ont cohabité dans la même majorité pendant six ans et dont les programmes sont très proches. Mais deux hommes que personne n’a réussi à mettre d’accord pour faire liste commune. Pas même le patron Le Drian. La fin d’une ère, c’est clair.