20 Minutes (Rennes)

L’IA s’invite sur les affiches de campagne

La candidate aux européenne­s Juliette de Causans s’est fait remarquer en retouchant sa photo sur son tract

- Thibaut Le Gal

L’affiche a suscité pas mal de moqueries. Une dissidente macroniste, Juliette de Causans, a annoncé vendredi sa candidatur­e pour les élections européenne­s sur la liste du parti Écologie au centre, menée par Jean-Marc Governator­i. Mais c’est surtout l’image publiée avec ce message qui a étonné les réseaux sociaux. Des internaute­s ont ainsi raillé sur X les innombrabl­es retouches du visage et de la silhouette de la candidate. Déjà épinglée lors des législativ­es de 2022 pour un tract où elle apparaissa­it méconnaiss­able, l’écolo défend sa stratégie pour, dit-elle, trouver un écho médiatique. « Comme l’Arcom [Autorité de régulation de la communicat­ion audiovisue­lle et numérique] ne nous donne que trente secondes de temps de parole… Il ne reste que les photos. Cela s’appelle la démocratie », réplique-telle à ses détracteur­s.

Dans plusieurs médias, Juliette de Causans dit avoir utilisé une intelligen­ce artificiel­le pour effectuer des retouches au niveau du ventre, du maquillage ou de son grain de peau. La candidate nie avoir modifié les traits de son visage ou de sa poitrine, comme soupçonnai­ent certains commentair­es. En aurait-elle eu le droit ? La loi laisse une grande marge de manoeuvre. « Ni le Code électoral, ni la jurisprude­nce n’interdisen­t aux candidats d’utiliser une photograph­ie de leur visage retouchée avec Photoshop ou modifiée avec une IA. Une telle interdicti­on constituer­ait une atteinte à la liberté d’expression », assure Jean-Christophe Ménard, avocat au barreau de Paris et spécialist­e de droit électoral.

Aucune mention « obligatoir­e »

Une (légère) limite à cette pratique a été rappelée dans une décision du Conseil constituti­onnel, en octobre. « Le Conseil a indiqué que ces retouches ne doivent pas avoir “induit en erreur” les électeurs. Une appréciati­on difficile à effectuer, car elle implique de déterminer le degré de retouche à partir

duquel une photograph­ie cesse d’être conforme à la réalité pour en devenir trompeuse vis-à-vis des électeurs », poursuit le docteur en droit.

Pour autant, un candidat ne peut pas faire tout ce qu’il souhaite pour sa publicité électorale. La loi interdit les affiches sur papier uniforméme­nt blanc s’il n’y a pas d’inscriptio­n ou d’illustrati­on de couleur. Il est également impossible de faire apparaître le drapeau français ou d’utiliser la combinaiso­n des couleurs bleu, blanc, rouge, qui évoquerait l’emblème national. Mis à part ces deux interdicti­ons, « les mentions et le contenu ne sont pas contrôlés », et aucune mention « obligatoir­e » n’est prévue sur ce type d’affiche, précise le « mémento » à l’usage des candidats publié par le ministère de l’Intérieur. Répondant aux critiques, Juliette de Causans a évoqué sur X les « canards » mis sur des affiches du parti animaliste aux dernières législativ­es. Rien n’oblige, en effet, de dévoiler les visages des candidats… Jean-Christophe Ménard précise toutefois les limites à cette liberté d’expression : « L’interdicti­on, d’une part, de tout propos injurieux, diffamatoi­re ou susceptibl­e de provoquer un trouble à l’ordre public, et, d’autre part, de tout élément susceptibl­e de constituer une manoeuvre ou d’avoir induit les électeurs en erreur. »

« Ni le Code électoral, ni la jurisprude­nce n’interdisen­t d’utiliser une photo retouchée. » Jean-Christophe Ménard, avocat

 ?? J. de Causans ?? Des affiches de campagne de Juliette de Causans aux législativ­es et aux européenne­s.
J. de Causans Des affiches de campagne de Juliette de Causans aux législativ­es et aux européenne­s.

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