20 Minutes (Strasbourg)

Un héros si fragile sous ses muscles

DRAME « Moonlight » suit la vie d’un jeune Noir de Miami

- Caroline Vié

Barry Jenkins frappe un grand coup avec Moonlight, où il suit l’évolution d’un jeune Noir de Miami, de l’enfance à l’âge adulte. « Il m’était impossible d’attendre que mes comédiens vieillisse­nt comme l’a fait Richard Linklater pour Boyhood (2014).Alors, j’ai pris trois comédiens différents », confie-t-il à 20 Minutes. Alex R. Hibberts, Ashton Sanders et Trevante Rhodes se succèdent pour montrer la vie de ce gamin des rues qui ne pourra échapper à la délinquanc­e et tente de dissimuler son homosexual­ité. « C’est un film sur les modèles qui nous sont imposés et dont il

« Le héros décide de se cacher sous les tatouages pour projeter l’image qu’il pense être la plus virile. » Le réalisateu­r Barry Jenkins

est fort compliqué de se dépêtrer », précise le réalisateu­r trentenair­e. Fils d’un dealer et d’une junkie, son héros trouve refuge dans une famille plus riche et plus stable. « Cela correspond à une réalité, explique Jenkins. J’ai grandi dans une communauté où tout le monde s’entraidait et où l’on n’avait qu’une obligation : rentrer régulièrem­ent chez soi. » Sa propre mère était proche du personnage d’accro au crack brillammen­t incarné par Naomie Harris. Le reste de l’histoire correspond davantage aux expérience­s du dramaturge Tarell Alvin McCraney. « Nous avons changé la structure de sa pièce en adoptant ces trois parties qui nous ont semblé claires pour décrire l’évolution du personnage », explique Barry Jenkins qui s’est inspiré de celle de Three Times (2006) de Hou Hsiao-hsien pour composer son récit. La dimension homosexuel­le du héros constitue l’un des aspects les plus touchants de cette chronique. « Il décide de se cacher sous les muscles et sous les tatouages qu’il se met sur les dents comme pour projeter l’image qu’il pense être la plus virile », explique Barry Jenkins. Etre un homme noir et gay n’a rien d’évident dans un quartier où la violence règne. Ce n’est pas un tableau dépourvu d’espoir que brosse cependant le cinéaste. « Les choses évoluent dans le bon sens. Des jeunes me disent que Moonlight les a aidés à assumer leur homosexual­ité, ce qui me rend plus fier que les prix que je pourrais recevoir. » Barry Jenkins a obtenu le Golden Globe du meilleur film et huit nomination­s aux Oscars. Cet amoureux de cinéma, fan de Claire Denis, se voyait professeur d’anglais avant de faire des films. Il a vraiment bien fait de changer de carrière.

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Le personnage principal essaie de cacher son homosexual­ité.

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